Non, ce n’est pas juste une comédie débile

Après Platinum End, voilà un autre manga qui aborde un thème engagé en s’attaquant à un autre problème de la société Japonaise, le manque de pratique sexuelle entraînant une chute de natalité et la (fausse) pudeur systémique qui encourage cette stase.

Dans cette société schizophrène ou l’éducation sexuelle est taboue et quasi absente du programme scolaire tandis que l’on y trouve sans problème le porno le plus dégradant, hardcore et parfois même immorale (pédophilie, zoophilie, guro) qui soit, ce manga est une véritable claque lancé contre son gouvernement. Derrière son apparence de comédie ecchi se cache un message fort.

Pour rappeler le contexte, l’histoire se déroule 16 ans après la mise en place d'une « Loi au maintien à l’ordre public et de la morale pour le développement de la Jeunesse » qui interdit le langage grossier ou les situations jugées indécentes en public dans le Pays. Dès lors, la jeunesse se retrouve complètement ignorante au sujet de la sexualité, ne sachant même pas comment faire des enfants. Un groupe "ero-terroriste" va alors tenter d'endiguer le phénomène et essayant de pervertir et d'éduquer les élève du lycée.

Je trouve que le concept d’exagérer l’ignorance de la jeunesse face à la sexualité et de créer un mouvement d’opposition "éro-térroriste" (terme très bien trouvé au passage) est absolument géniale. Quintessence de cette idée, la présidente du conseil des élèves et symbole de pureté absolue, va progressivement basculer dans une perversion morbide jusqu’à en devenir presque monstrueuse. Mais ne vous méprenez pas, il ne faut pas y voir un bête fan service, c’est en réalité une manière subtile et intelligente de montrer les conséquences d’une ignorance totale de la sexualité. Cette dernière agit ainsi à cause de sentiment et de désir qu'elle ne comprend pas et donc ne maîtrise pas, elle n'a même pas conscience des relations humaines basique ce qui la conduit littéralement à violer le héro dans un excès de folie. A noter que les délinquances sexuelles (viols, agressions, sexismes) sont également très courantes au Japon, cette scène n’est donc pas non plus anodine.

Néanmoins une fois qu’on a intégré cette idée j’ai bien peur qu’il ne reste qu’une comédie ecchi, ce n’était peut-être pas la meilleure manière de traiter le sujet. A mes yeux, la légèreté dessert le propos et j’ai peur qu’à terme la forme (ecchi) prenne le dessus sur le fond. C’est d’ailleurs déjà le cas dans la dernière partie de cette première saison selon moi, l’histoire du voleur de culotte n’apporte strictement rien au propos et ne sert qu’à crée une situation "humoristique" burlesque. A moins que je sois simplement passé à côté du message ? Le personnage sert-il à poser une limite ? Il faut un peu de perversion et d’éducation pour vivre une vie saine, trop d’ignorance est dangereux mais trop de perversion n’est pas bien non plus, ce serait ça le message ? Ou simplement dire qu’il ne faut pas mener le combat n’importe comment ?

Par ailleurs, la problématique de la sexualité au Japon est bien plus complexe et viscérale que cela, aborder la question uniquement par le prisme du manque d’éducation sexuelle et de la pudeur de la société me parait un peu léger. Le problème est encore plus profond que cela il y a d’abord une certaine frustration engendrer par l’opposition entre cette pudeur institutionnalisé et l’hyper sexualisation de la culture (à laquelle participe justement ce manga en étant une comédie ecchi)… Ensuite il y a le travail, lorsqu’on fait un 60h semaine et qu’on a en plus pour tradition d’aller boire un verre avec ses collègues après le travail, il est normal de voir les vies de couple délaissées (pour rappel c’est aussi l’un des pays avec le plus haut taux de mortalité dût au surmenage). Et enfin le système éducatif très difficile et méritocratique laisse certainement peu de place à ce genre de "distractions" sans compter la discipline militaire qui y règne, interdiction de s’embrasser ou même de se tenir la main dans l’enceinte scolaire quand ce n’est pas tout simplement des écoles unisexe qui cloisonne les élèves…

Shimoseka est une œuvre qui s’adresse avant tout aux Japonais et demande d’avoir une certaine connaissance du pays pour pouvoir être comprise. Elle se présente comme une œuvre importante de la japanimation de part son propos, sympathique à regarder (les dessins et l’animation sont de qualité), rafraîchissant, drôle et intelligent mais qui aurait sans doute gagné à être traité de manière plus sérieuse pour faire passer son message de façon plus crédible. A voir ce que donnera la suite…

Edit : Dans la vraie vie il existe une ero-terroriste, Megumi Igarashi une artiste Japonaise qui milite contre le manque d'éducation sexuelle au Japon en sculptant et peignant des vulve que j'ai connu via le documentaire #Female Pleasure. Elle a été condamnée par la justice Japonaise (UNE juge il me semble et c'est sans doute ce qui l'a sauvée) a une petite amande de 400000¥ (3280€) pour obscénité.