Shokuzai
7.5
Shokuzai

Drama WOWOW (2012)

Quel coup au moral ! Ainsi j'avais enterré un peu trop vite Kiyoshi Kurosawa ? Il était donc dit qu'on peut perdre tout son talent et le retrouver, mourir au cinéma et ressusciter ? Si ça veut dire qu'un jour Woody Allen, Bertollucci ou Christophe Honoré vont renaître de leurs cendres, et qu'en attendant le miracle il va me falloir retourner voir leurs films, il y a de quoi déprimer.

Mais ne voyons pas que le mauvais côté des choses, et réjouissons-nous. Sonnez shakuhachis et résonnez kotos : la même année que Going my Home (la merveille de Kore Eda), la télé japonaise permet à Kuro ce retour de flamme en forme de mini-série, preuve que souvent ce n'est pas en s'obstinant dans une recette mais en changeant de support que l'on peut combattre l'enlisement.
Shokuzai (la rédemption en français, quel point nommé !) signe donc le retour de l'enfant prodigue, le roi des ambiances ambigües, des non-dits assourdissants, de l'angoisse fascinante qui transpire de détails anodins et transparents, à travers une histoire de mort et de vengeance raconté en cinq stations. Cinq facettes pour raconter une histoire aussi sombre, ce n'est pas du luxe. Comprenant avec maestria ce que le format séquencé de la série permet, Kurosawa prend son temps pour explorer tous les sentiments (horreur, ironie, folie, tristesse, compassion, haine, remord etc...) produits par la mort d'une petite fille il y a de cela 15 ans.
Une exploration qui passe par un sens du cadrage, du rythme, et du jeu des comédiens assez époustouflant. Sans parler de l'attention extrême donnée aux décors, à la musique, aux ambiances sonores (comme c'était le cas dans Cure, Charisma ou Licence to Live) pour nous plonger en apnée dans ces destins brisés.

Cette série est une merveilleuse nouvelle pour les aficionados de Kuro et pour la télé, il se pourrait aussi qu'elle enfonce encore un peu plus la tête du cinéma sous l'eau. Quelle mauvaise idée de sortir Shokuzai en salle ! Comme si ce genre de redemption-là était possible, comme si on pouvait piquer sans vergogne à sa petite soeur ses jouets quand les siens sont cassés ! Pas plus que je ne conçois de voir Mon Oncle ou Playtime à la télé, pas parce que c'est "mal" mais parce que ça a été résolument conçu contre, je ne peux imaginer ce que va donner cette construction tout en équilibre et en délicatesse, reposant sur le rythme hebdomadaire et sur le jeu répétition/différence, une fois aplatie en 5 heures (presque) consécutives et diffusée en salle. Trop tard, a-t-on envie de crier au 7eme art. Ce n'est pas en récupérant les restes qu'on confectionne un diner de roi.
Chaiev
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste 続いて行く / À suivre... [Dramas et Animes japonais]

Créée

le 25 mai 2013

Critique lue 2.4K fois

56 j'aime

26 commentaires

Chaiev

Écrit par

Critique lue 2.4K fois

56
26

D'autres avis sur Shokuzai

Shokuzai
Contrechamp
6

Shokuzai – celles qui voulaient se souvenir/celles qui voulaient oublier : Déclinaisons Mortifères

Projeté lors du 15e Festival de Deauville Le documentariste français Oliver Meyrou ironisait sur la place de la télévision dans l’art en disant « Le cinéma est un art, la télévision est un meuble »...

le 28 mai 2013

10 j'aime

5

Shokuzai
NonoDarko
8

C'est celui qui le dit qui y est!

Pour bien appréhender Shokuzai, il vaut mieux connaître un peu le bonhomme qui est derrière la caméra, Kyoshi Kurosawa. Ce-dernier était déjà l'auteur de Kaïro, surement l'une des pellicules les plus...

le 18 nov. 2013

7 j'aime

3

Shokuzai
Plume231
6

Cinq destins et une vengeance

Le viol et le meurtre d'une gamine, quatre autres petites filles qui ont vu le visage du tueur mais qui ne s'en souviennent plus, une mère qui ne compte pas leur faire oublier les conséquences de...

le 20 oct. 2013

4 j'aime

Du même critique

Rashōmon
Chaiev
8

Mensonges d'une nuit d'été

Curieusement, ça n'a jamais été la coexistence de toutes ces versions différentes d'un même crime qui m'a toujours frappé dans Rashomon (finalement beaucoup moins troublante que les ambiguïtés des...

le 24 janv. 2011

287 j'aime

24

The Grand Budapest Hotel
Chaiev
10

Le coup de grâce

Si la vie était bien faite, Wes Anderson se ferait écraser demain par un bus. Ou bien recevrait sur le crâne une bûche tombée d’on ne sait où qui lui ferait perdre à la fois la mémoire et l’envie de...

le 27 févr. 2014

270 j'aime

36

Spring Breakers
Chaiev
5

Une saison en enfer

Est-ce par goût de la contradiction, Harmony, que tes films sont si discordants ? Ton dernier opus, comme d'habitude, grince de toute part. L'accord parfait ne t'intéresse pas, on dirait que tu...

le 9 mars 2013

244 j'aime

74