Dans le petit monde des séries sur les geeks, celle-ci est sans doute la meilleure qu'il m'ait été donné de voir. J'ai trouvé l'humour très fin, et les multiples références au monde des start-up bienvenues, même si parfois trop subtiles à comprendre pour le non initié. Mais quiconque a lu quelques articles ou assisté à une ou deux conférences sur la disruption numérique saisira la plupart des clins d’œil, et un tour sur Quora suffira au cas où.
En suivant le parcours de Richard Hendricks depuis la première version de son application jusqu'à sa valorisation à plusieurs dizaines de millions de dollars, nous comprenons la perversité d'un tel système où tout peut être bâti sur une démo, et où une rumeur peut détruire l'avenir d'une société. Nous comprenons aussi comment une société peut lever des millions et être totalement fauchée, et que l'important n'est pas la valeur de ce que vous produisez, mais la valeur que vous accordent vos investisseurs, parfois sur de très légères bases.
Le plus intéressant reste les personnages de cette série. Hendricks est une tête à claques assez insupportable, mais les autres membres de l'équipe sont savoureux, surtout Gilfoye (hacker/codeur redoutablement efficace et cynique, aux idées géniales), Bachman (gros nounours aux ressources inépuisables) et Jared (gentil premier de la classe respectueux mais dont la somniloquie laisse supposer des penchants à la psychopathie). Danesh et Monica sont en revanche deux personnages déjà vus des centaines de fois, et donc insignifiants. Les relations entre ces personnages sont aussi très réalistes: au contraire de The Big Bang Theory ou de la plupart des sitcoms où les protagonistes sont systématiquement un mélange d'hypocrisie, d'égoïsme et d'immaturité, les personnages de Silicon Valley sont comme dans la vraie vie, à la recherche de l'accomplissement de leurs objectifs propres en tentant d'équilibrer avec ceux de leur entourage. Nous n'avons pas affaire à une team soudée à la vie à la mort, mais à des humains aux intérêts triviaux voire strictement pécuniaires.
Formellement, il n'y a rien de novateur. Le travail est très bien fait, la photographie est un peu trop lisse, colorée, propre, éclatante par moments, mais jamais vulgaire ou prétentieuse. Cette série est de toute manière à suivre pour l'histoire qu'elle raconte et le milieu qu'elle décrit avec humour et intelligence. Le regard porté sur la génération start-up a tout de la satire réussie.
Une sortie que j'ai adoré et qui pourrait résumer le ton de la série, celle de Russ Hanneman qui, parlant d'une application qui donne des ordres à son enfant à sa place: "I disrupted fatherhood."