Un élève peu doué
Warning, spoil spoil spoil, jusqu’au dernier épisode. à ne lire que si vous n’avez pas vu la série, ou si vous n’en avez rien à foutre (mais alors, pourquoi lire ça ) J’ai un problème avec Stranger...
le 26 juil. 2016
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Ceci est une bouteille à la mer, je demande l'aide des plus fins limiers de sens critique pour m'éclairer.
Je n'ai vu pour le moment aucune critique poussant l'analyse de la saison 3, je m'y essaye donc avec plus ou moins de réussite.
Spoiler de la saison 3 en long, en large et à l'envers, ouais cette vanne aurait eu vachement plus de gueule en anglais j'imagine.
Cette saison en question me pose question, justement. Les 2 saisons précédentes transmettaient des messages classiques, repris directement des oeuvres inspirant la série (les Goonies, Carry au bal du diable...) C'est à dire de manière générale une peinture de l'adolescence mais aussi par exemple le propos:
les freaks sont cools et ont de la personnalité et les gens qui se conforment au groupe par pression sociale sont les vrais ringards.
Pourtant dès le début de la S3, j'ai eu ce sentiment, qu'on voulait me véhiculer autre chose. Beaucoup de choses même.
On commence épisode 1, tu ranges ton insouciance. On te présente un centre commercial flambant neuf vampirisant les commerces de proximité (ce havre de la consommation est même le centre névralgique de la saison). La vie de quartier est réduite à peau de chagrin, les gens manifestent pour conserver leurs emplois, même la mère de Will est touché.
De l'autre coté, on te montre l'endroit de manière méliorative. Je veux dire du point de vue des enfants, c'est le temple de l'amusement. En plus et surtout, Eleven dans sa rébellion s'épanouit, développe sa personnalité, trouve son style dans ce lieu grâce à de nouveaux vêtements et une nouvelle coiffure aussi de mémoire. Hum l'émancipation par le consumérisme, voilà qui me rend dubitatif comme message.
Je crois que ce dernier fait est contrebalancé plus tard dans la série. En effet l'énorme monstre antagoniste de la série, aka "Mind Flyer" en VO veut petit suissider nos héros dans le hall du centre commercial. C'est l'occasion d'une scène de cache-cache dans les galeries marchandes. A l'issue de celle-ci le monstre va s'en prendre à un mannequin possédant les mêmes habits qu'Eleven pensant avoir débusquer sa proie, la fille étant elle même étant toute proche. Cette scène est hautement symbolique ou je m'y connais pas. Mais du coup qu'est ce que ça veut dire? la consommation nous transforme en avatar sans visage, tous drapés des mêmes atours manufacturés en masse?
digression ON Un parallèle intéressant est à faire entre le Mind Flyer et le capitalisme. Déja cette entité lève peu ou prou une armée de zombies. Chacun ayant quelques références dans le domaine connait les critiques sociales et en particulier du capitalisme y étant associé, de Shaun of the dead à Dead Rising par exemple. Mais surtout le capitalisme comme le Mind Flyer sont des monstres protéiformes capables de retourner leurs opposants à leur profit. Un certain Alain Damasio démontre bien comment le capitalisme est capable de diaboliser le communisme pour devenir le seul modèle enviable, de ringardiser les écolos qui voudraient nous faire revenir à la bougie ou bien de faire émerger les sous-cultures "underground" du sol pour en tirer les quelques pépites rentables (le frontman de Nirvana, qu'il repose en paix, peut constituer un exemple assez clair). Digression OFF
Pour continuer dans la mode, à la fin, on voit une Eleven endeuillée se remettre à porter des bonnes vieilles chemises de bucheron. Alors quelle leçon en tirer? souhait de rendre hommage à son père adoptif ou bien fin de l'euphorie illusoire qu'a apporté ce centre commercial? Parce qu'entre murir grâce à la société de l'apparence qui constitue un rite d'initiation à l'age adulte ou bien illusion rompue d'un modèle alléchant mais foncièrement malsain, je suis pas sur de ce qu'on me vend. Je préfère l'une de ses deux thèses à l'autre mais je trouve pour le moment la série trop ambigu la dessus, m'empêchant de trancher définitivement.
sujet sur lequel j'ai pas grand chose à dire mais aussi assez appuyé dans l’œuvre au final. Les rats dévorent pesticides et fertilisants pour acquérir de la biomasse. Bon je vois ça genre: notre système agricole est un monstre qu'on nourrit plus qu'il ne nous nourrit, m'voyez.
Hum ouais elle m'a bien fait réviser l'offre et la demande en fonction du marché, tout ça. Là t'as envie de te dire que c'est tellement absurde que tu peux pas songer une seule seconde à prendre ce discours au sérieux, no way. Sauf qu'en fait ce personnage, Erica "comme dans America", même si tu peux la détester, ce que je peux comprendre, est présenté dans son groupe comme étant un personnage crédible, mature pour son age, elle a même quelques faits d'armes la rendant "badass" quoi.
Surtout que quand tu prends un peu de recul, la seule alternative proposée est le modèle communiste de l'URSS encore plus caricatural ici. Puis la série se passe dans les années 80 sauf que comme on l'a vue, elle nous parle de thématiques actuelles. Aujourd'hui il y a même plus d'URSS, du coup on te dit que le capitalisme à l'américaine avec l'impérialisme et la méritocratie qui va avec, c'est pas dégueux en vrai et puis de toute façon c'est pas comme si t'avais le choix donc si t'es pas content c'est pareil.
En parlant d' URSS, il y a une réflexion qui est amorcé autour du personnage d’Alexei, scientifique de son état. Manifestement il est séduit par le style de vie américain. On dit à Alexei qu'on ne peut gagner à la fête foraine, c'est truqué. La fête foraine est une métaphore de la réussite sociale. C'est le mythe du rêve américain et de son self-made man qui est questionné. Or Alexei décroche le gros lot au chamboule tout, se montre enthousiaste à l'idée que manifestement c'est pas truqué puis se fait sauvagement assassiné par un de ses compatriotes le taxant de traitre à la mère patrie. J'interprète cela comme le fait qu'il est improbable de grimper l'échelle sociale puisque le système entretient les inégalités. Si par chance t'y parviens, tu trouveras toujours quelqu'un pour te remettre à ta place.
Ceci est une lecture possible. Une deuxième consisterait à dire que le modèle américain est bien plus attractif que celui du bloc de l'Est, que ce soit en matière de dessin animé ou en matière de boisson glacé à la cerise. Dans ce cas les exploits dans le domaine forain d'Alexei montrerait que la vie aux USA est une fête où chacun à sa chance. Surtout en considérant que le personnage déclarant qu'il est impossible de gagner est un grand paranoïaque, il jouerait alors le rôle du pisse froid notoire qui crache dans le soupe. Le russe n'hésitant pas à exécuter sommairement Alexei témoigne alors d'un régime communiste aliénant, où l'individu doit être au service de sa patrie. Au contraire de l'Amérique, qui par opposition est la patrie au service de son peuple et lui permettant d'atteindre l'épanouissement.
La dernière thématique que je vous propose d'aborder est centrée autour des personnages de Jonathan et Nancy. Ils travaillent tous deux au journal local en tant que stagiaire. Nancy semble être plutôt maltraitée puisque reléguée à des taches dégradantes et de moindre importance, rabaissée et victime de moqueries souvent sexistes. Elle va donc vouloir à tout prix gagner en considération. Ce qui mènera à Jonathan et elle de se faire renvoyer puisque s'étant lancé sans autorisation sur l'enquête risquée des rats dévoreurs de produits chimiques.
Cette situation fera exploser la tension qui montait crescendo jusque là entre les deux personnages. Dévoilant ainsi toutes leurs contradictions. Jonathan montré jusque là comme étant un punk, est contraint par la situation financière de sa famille de courber l'échine et de s’accommoder de n'importe quelle situation professionnelle. Il privilégie la patience, pensant gagner peu à peu en reconnaissance avec le temps en faisant son trou . Nancy quant à elle pense qu'il faut envoyer chier tout ce milieu et ne pas se compromettre à accepter une situation dégradante. Mais on nous dit qu'un tel avis lui est possible seulement parce qu'elle est née avec une cuillère d'argent dans la bouche et qu'elle est à l’abri du besoin matériel immédiat.
Plus tard ils feront directement face aux figures d'autorités du journal, celles-ci faisant alors partie de l'armée du Mind Flyer. A l'issue de la confrontation ces antagonistes seront mis en pièces pour devenir monstre, matrice du Mind Flyer. Si on revient à ce qui a été dit plus haut avec ce monstre comme symbole du capitalisme, on voit que la série en aborde toutes les facettes: le volet marchand, industriel, salarial et les aspects politiques et sociaux qui en découlent.
Les thèmes abordés sont intéressants mais leur multiplicité développé sur 8 malheureux épisodes rend les différents propos tenus, soit au mieux confus et ambigus, soit au pire se contredisant carrément les uns avec les autres.
Cher lecteur toutes tes analyses, réflexions et théories fumeuses sont les bienvenues, j'en ai bien besoin. Dans le cas statistiquement probable où personne ne répondrait à mon appel perdu dans les dizaines de pages de critiques, disons pour que je puisse garder la face que ceci est un mémo personnel me permettant de tenir à jour ma réflexion.
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Créée
le 25 juil. 2019
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