Tous les personnages de la famille Roy (inspirée des grandes dynasties de patrons de presse de droite, comme les familles Mercer et Murdoch) et leurs interactions sont ridiculement over-the-top. Elle est composée d'un père control freak qui ne veut pas abandonner une once de son pouvoir et adepte de l'humiliation publique de ceux qui sont en dessous de lui (soit tous les autres personnages), et compte entre autres un idiot congénital marié à une call girl et se rêvant un avenir politique, évoquant Trump en moins méchant mais plus bête (oui c'est à ce point over-the-top), un dilettante paresseux incompétent et pervers qui arrive à placer une vanne à connotation sexuelle par phrase en moyenne, un junkie oscillant entre périodes d'ambition et de dépression, un gendre ambitieux d'une lâcheté totale envers ses supérieurs mais qui compense en terrorisant son subalterne, sa femme qui se la joue rebelle de la famille, indépendante et progressiste, mais capable de renoncer à ses principes en un claquement de doigts.
Tous ces personnages passent leur temps à aller de résidence de luxe à retraite de luxe à partie de chasse à conseil d'entreprise, échangeant des méchancetés les uns sur les autres à longueur de temps avec un don pour la casse digne de Brice de Nice, et tentant si maladroitement d'avancer leurs billes, ou si stupidement de se venger de ce qu'ils subissent, que par moments la série en devient complètement burlesque (pas au sens péjoratif, c'est vraiment très drôle par moments).
En gros une caricature tellement énorme de grands bourgeois vils, ambitieux et (à 2 ou 3 exceptions près) stupides qu'elle évoque le cinéma italien des années 70 dans sa férocité.
Mais ce qui est fort, et où j'en arrive au "dramatique", c'est que malgré le fait que pas un n'ait une raison d'être attachant, ni ne mérite vraiment qu'on se sente solidaire de leurs malheurs (des fils à papa milliardaires, tous plus ou moins imbuvables et se battant pour la direction d'un conglomérat nuisible... normalement je les rêverais plutôt pendus à un réverbère tandis que le prolétariat triomphe, quoi), il est juste impossible de ne pas les prendre en pitié.
La série dès son générique (qui est vraiment fabuleux à ce niveau, entre les photos d'enfance exprimant parfaitement le malaise familial, et la musique parfaitement choisie) baigne dans une étrange ambiance de tristesse nostalgique de cette enfance et de tous les rêves qu'on imagine avoir été brisés par le Père, de désespoir vis à vis d'une famille condamnée à ne pas être fonctionnelle mais où chacun ne rêve au fond qu'à trouver finalement un peu de chaleur. Et les rares moments où les Roy deviennent soudain humains et montrent quelques signes de tendresse les uns envers les autres, au milieu de toute la bassesse et des cruautés qui les caractérisent, en deviennent d'autant plus touchants qu'ils sont inattendus.
Quand par exemple le dilettante qu'on croyait totalement insensible à tout (et qui passe son temps usuellement à lui envoyer des piques) s'inquiète pour son frère dépressif jusqu'à partir en catastrophe le sortir d'une période d'autodestruction par la drogue, ou que le masque inflexible du père se fissure un instant et qu'on le sent soudain réellement blessé par une remarque de sa fille, et qu'on réalise qu'il est tout aussi prisonnier que ses enfants de sa propre incapacité à changer... Il y a de vrais moments d'émotion intense et d'humanité, et le spectateur se retrouve, à l'image des Roy, à rêver qu'ils durent plus qu'un instant, avant d'être au suivant replongé dans la bassesse, le ridicule et la férocité.