Ca y est c’est fait, j’ai enfin vu The Wire !
Alors non, The Wire n’est pas ma série favorite, je lui préfère la frénésie de The Shield, l’intrigue de Breaking Bad et la construction narrative de Mad Men. En revanche en terme d’ampleur et d’importance socio-politique, en terme d’intelligence et de constat définitif sur l’état de la société américaine et plus largement sur celui de l’humanité, The Wire est LA série télé la plus forte et probablement l’œuvre visuelle la plus aboutie.
L’intelligence du propos de David Simon est de fuir en permanence le démonstratif et de faire en sorte que la mise en scène se nourrisse de cette vision d’entomologiste mettant en évidence ce qui coule de source et le ressenti frontal sans chercher à guider la moindre émotion par des artifices cinématographiques. Peu d’utilisation de la musique, pas d’effets racoleurs, ni spectaculaire, ni démonstratif. Des mouvements de caméras très élaborés qui ne font jamais dans le sophistiqué mais servent les propos des personnages et font avancer l’intrigue avec une sorte de fatalisme liée à la réflexion presque sans illusion que l’auteur se fait de la société.
Malgré ce parti pris que l’on pourrait qualifier de pessimiste, l’œuvre n’est jamais froide et l’émotion naît des petites choses du quotidien, et c’est surtout dans l’empathie que l’on finit par ressentir pour certains personnages qui au départ partaient avec un désavantage structurel par rapport à l’idée que chacun de nous se fait de l’éthique.
Les personnages sont le fondement et le socle qui définissent les pris-partis que l’on adopte. Qui n’a pas éprouvé d’empathie pour ces gamins qui essayent de s’en sortir malgré toutes les chances qui leurs sont enlevées d’emblée, pour ce brave Bubbles, camé notoire qui tente de combattre ses démons en aidant un jeune à ne pas suivre son chemin, mais aussi pour le duo McNulty-Bunk, les deux flics qui se ramassent de mémorables cuites et se chambrent en permanence, mais aussi pour le fameux Omar, sorte de Robin des Bois des cités, dealer détrousseur de dealers, personnages de samouraï du ghetto à tendance queer.
Il y a aussi ceux d’en haut. Les nantis. Les leaders de parti politique, les médias, les officiers qui se partagent la gloire obtenue par le travail de ceux d’en bas, les chefs de gang qui envoient des gosses au casse-pipe sans aucun problème de conscience. Ceux qui feront que rien ne changera jamais. Que la volonté de quelques braves qui veulent vraiment faire changer les choses sera toujours mise à mal. Ceux que l’on déteste, mais qui tiennent les rennes du pouvoir et font que ce monde soit ce qu’il est.
A la fin de la série on a le sentiment étrange d’avoir vécu une incroyable incursion dans le réel des travers d’une ville inondée sous la violence et les dérives narcotiques entraînant tristesse et désarroi, mais également d’être confronté à sa propre conscience quant au rôle que l’on tient dans ce questionnement existentiel. Simple spectateur-voyeur conscient de ce qui mène à cette chute inéluctable. Alors on essaye de se raccrocher à une petite note d’espoir, Bubbles qui finit par retrouver une place à la table où sa sœur prend son repas, McNulty continuera à se ramasser des murges avec son pote Bunk, le génial Lester Freamon finira toujours par trouver la solution et le seul officier droit dans ses bottes fera ce pour quoi il est taillé. Même si tout ça n’est probablement qu’illusoire, ça donne un peu d’espoir. Et c’est que qu’est The Wire, chercher une petite lumière dans l’obscurité finalement. Allez je lui mets 9!