Indéniablement, Under The Banner Of Heaven sera désormais le True Detective de Andrew Garfield, qui atteint cette année le peak de sa carrière (jusqu'à la prochaine masterclass). Adaptation du roman éponyme, qui lui-même revient sur un fait divers des années 80, la série est une chouette découverte qui assouvira la faim des fanas du true-crime.
Fraîchement mariée aux plus jeunes des frères Lafferty (Allen), Brenda Wright est accueillie avec beaucoup de retenue au sein de la famille Lafferty, considérée comme une menace et surveillée de près par les deux frères Ron et Dan, qui après avoir sombré dans une branche mormone fondamentaliste, décideront de lui oter la vie ainsi qu'à son enfant, tout cela "sous l'ordre de Dieu".
La réalisation n'est pas réellement originale. Elle colle aux codes du true-crime. Nous avons deux timelines qui s'alternent, deux palettes de couleur qui s'opposent (l'une froide, l'autre chaude). Nous suivons donc le détective Pyre (fictif mais fortement inspiré d'un flic proche du dossier) dans un cadre carcéral glacial, angoissant et bouleversant dans la première ; nous retrouvons l'accueil presque chaleureux et convivial de Brenda ainsi que l'évolution de ses liens avec la famille Lafferty dans la seconde. C'est un dispositif simple et suffisant, mais je n'y trouve pas de satisfaction particulière.
Andrew Garfield. Ce n'est pas un mauvais acteur. Ce n'est pas non plus un acteur qui m'a particulièrement marqué dans ses oeuvres. Jusqu'à celle-ci. La voilà ma satisfaction. J'ai appréhendé ce rôle comme un tournent majeur pour lui et je suis ravie d'avoir regardé cette série ne serait-ce que pour le voir briller, jouer cette psychologie comme il a pu le faire. La maturité qui se dégage de son jeu d'acteur est clairement perceptible et j'espère qu'il ne s'arrêtera pas à cette série mais qu'il s'essaiera dans des genres similaires avec la même hauteur de traitement. Quel acteur.
S'il ne faut pas oublier les dangers du fondamentalisme religieux et ses conséquences, en l'occurrence le meurtre de Brenda Wright Lafferty, il ne faut pas non plus passer à côté de cette autre thématique proposée par la série : la quête de foi. Conserver son pouvoir, l'acquérir (à quel prix ?), se sentir exclu(e), menacé(e) ; accepter sa mission, son destin, ce que Dieu nous réserve. Cultiver sa foi, la questionner, la nourir, se la réapproprier, la déformer, la propager... Tant de possibilité auxquelles se frottent les personnages représentés, le détective Pyre en tête. Mormon pratiquant, père de famille aimant et fils exemplaire (il s'occupe de sa mère âgée et à la santé très fragile), Pyre se retrouve à enquêter sur ce meurtre morbide dont les auteurs partagent à priori la même religion que lui. Forcément, le personnage est bouleversé, sa foi est ébranlée et c'est là tout l'enjeu. En tant que spectateur, ces questions nous saisissent par leur grande simplicité, par leur capacité à être notre tout. Imaginez, découvrir que ce que vous croyez n'est plus rien. Que vous ne pouvez plus vous y fier. Le propos exposé est saisissant, tant la moue délicate et vulnérable d'Andrew Garfield se prête à l'empathie et à la compassion que ce personnage réveille en nous, du début à la fin.
Il me paraît aussi très important de préciser que la série ne dépeint pas les personnages fondamentalistes comme atteints de folie. L'oeuvre représente autre chose, qui n'est pas souvent représenté puisque les personnages fous font désormais office de caractéristique de ces "histoires de sectes". Il y a un respect notable de Brenda Wright Lafferty. Il y a une volonté de raconter les choses comme elles ont été, de montrer que ce n'est pas de la folie. Que c'est autre chose. Quelque chose de dangereux, d'imprévisible. C'est toujours appréciable et bien trop rare. Under the banner of Heaven est une série assez intelligente pour ne pas sombrer dans une mise en scène gratuitement morbide du meurtre horrible de Brenda Wright Lafferty.
Finalement, j'aurais pu être emballée si la réalisation avait su encadrer ce tout autrement, d'une manière plus porteuse, plus rythmée peut-être. Le principal défaut n'est pas ce que l'on nous raconte mais comment ça nous est raconté. Dans l'ensemble (et je dis ça en analysant l'oeuvre cinématographique), j'ai trouvé la série longuette et pas toujours très captivante. Quelques scènes sont assez saisissantes pour que je cesse de bailler et que je focus mon attention, mais il faut dire que sans le casting (car je n'ai pas parlé de Gil Birmingham, Denise Gough, Sam Worthington, ou Daisy Edgar-Jones qui fait du Daisy Edgar-Jones mais je n'en pense pas moins), tout cela aurait été moins puissant. Peut-être que je trouverai une plus grande satisfaction à lire le livre.