Alors, dans "Tales from the Loop", il y a des boucles temporelles, un échange de corps, une machine qui sert à arrêter le temps, un passage dans un monde parallèle, un monstre vivant sur une île, et encore d'autres choses qui fleurent bon l'anthologie de SF pépère, à la "Amazing Stories" (sur Apple TV+...). Sauf que les amateurs du genre, dont je suis, sans honte aucune, risqueront de se trouver fort démunis devant le fait que tout cela n'est qu'un McGuffin un peu (trop ?) sophistiqué pour une série qui ne veut nous parler que d'UNE SEULE CHOSE, le temps qui passe et nous tue.
Esthétiquement inspirée des œuvres digitales d'un artiste suédois, Simon Stalenhag (qui participa d'ailleurs activement au développement des décors et des instruments originaux nécessaires à la série), tournée partiellement au Canada pour retrouver une ambiance plus "scandinave" qu'américaine, "Tales from the Loop" louche un peu aussi vers "The Leftovers" pour cette tristesse engourdie qui en fait le charme (mais heureusement sans l'aspect WTF des "scénarios" !), et sans doute plus encore vers le superbe "Dark", la série allemande qui tourne aussi autour de l'impact d'une activité scientifique obscure sur les familles qui vivent près d'un site de recherche. Toutes ces références pour bien préciser que les préoccupations du showrunner, Nathaniel Halpern l'éloignent du divertissement pur et dur, et se focalisent avant tout sur l'atmosphère surannée et la suspension du temps pour créer une "magie" un peu délétère...
... Car il est permis de trouver tout cela ennuyeux, voire prétentieux, et voire même un peu facile puisque tout ici est finalement assez simple, avec des résolutions des épisodes frôlant à chaque fois l'évidence. Ceux qui aimeront par contre "Tales from the Loop" apprécieront au contraire la lucidité mélancolique de ces "histoires familiales" qui ne nous disent qu'une seule chose : c'est que le mystère est AILLEURS. Ni dans la technologie - qui semble toujours défaillante et obsolète -, ni dans la complexité de l'univers, mais bel et bien dans la manière dont le temps nous use, nous ronge, détruit patiemment ce que nous croyons être, et vient à bout même de nos sentiments les plus forts. Le dernier épisode, réalisé par Jodie Foster est terriblement émouvant, et est dans ce sens le couronnement logique d'une série en forme d'anthologie, conférant un sens profond à ces jeux de l'esprit.
Il ne nous reste, bien sûr, plus qu'à espérer qu'il n'y ait jamais de saison 2 de "Tales from the Loop".
[Critique écrite en 2020]