« Il y a trop de télévision » disait John Landgraf, le PDG de FX, il y a encore peu de temps. Nul ne saura jamais s’il pensait à la nouvelle création de Kurt Sutter quand il évoquait ce problème, mais du point de vue d’un téléspectateur, s’il y a trop de télévision, The Bastard Executioner est clairement de trop. Ça s’annonçait pourtant bien : l’équipe de la déséquilibrée mais divertissante Sons of Anarchy (et donc par extension, The Shield) se retrouvant pour un Banshee médiéval. A défaut d’y aller les yeux fermés, on pouvait avoir un minimum d’espoir.
Puisque la chaîne a eu la très bonne idée de l’annuler, The Bastard Executioner ne restera finalement que la succession de dix épisodes plus insipides les uns que les autres, où on passe son temps à voir cabotiner deux trois têtes à claques, l’autre moitié du casting cracher sur les français, des afro-gallois faire copain-copain avec des baiseurs de chèvre et un pauvre Matthew Rhys perdu dans ce naufrage total, et qui va avoir beaucoup de mal à nous faire oublier ce cosplay bon marché de Gandalf dans lequel les producteurs ont décidé de l’accoutrer.
Kurt Sutter n’est pas un bon scénariste. En fait non, Kurt Sutter n’est pas un scénariste. C’est un type qui écrit des choses, et il se trouve que c’est pour la télévision. Il n’a aucun sens du rythme, aucun sens du dialogue, tout est fade, des rebondissements jusqu’aux personnages, des réflexions complètement idiotes sur la loyauté ou la religion jusqu’à ses tentatives éhontées de faire des traits d’humour ou un brin d’émotion.
Tout est vulgaire, sans aucune subtilité – on s’y attendait, mais pas avec ce niveau de premier degré et de sérieux dans la démarche. The Bastard Executioner se veut subversive, elle n’en est au final qu’idiote. Tous ses effets spectaculaires sont superficiels, et tout ce qui ne l’est pas va de la faute de goût au désert artistique (que ça soit l’affreux générique ou ces transitions noir et blanc avant chaque pause publicité) – on pourrait passer des heures à lister tout ce qui ne va pas dans la dernière création de Kurt Sutter. Chaque épisode est à lui seul l’exemple parfait de ce qu’il ne faut pas faire à la télévision, l’antithèse absolue de la série câblée réussie, une parodie involontaire des feuilletons antihéroïques post-HBO – et c’est triste à dire, mais The Bastard Executioner est peut-être aussi l’illustration parfaite de la lente déchéance du câble US, de la fin de ce fameux âge d’or télévisuel dont on nous rabâche les oreilles depuis le succès de Breaking Bad (alors qu’il était déjà sur le déclin à ce moment-là). Ce câble qui se renferme dans ce modèle d’écriture facile, où tout n’est propice qu’à la violence, à la provocation narrative, au soap prestigieux ou aux personnages faussement anti-manichéens – le théâtre de la subversion plutôt que de l’ambition, et c’est bien triste quand on voit des chefs d’œuvres comme The Leftovers, Fargo ou Mr. Robot galérer avec leurs audiences.
Ne soyons pas non plus défaitistes ; car à part le souvenir traumatique de ce nanar de dix heures de l’automne 2015, rien ne restera de The Bastard Executioner. Et c’est tant mieux. Que ce ratage soit un signal d’alarme, qu’on arrête de filer des heures d’antenne à des gens incompétents qui ne savent visiblement pas ce qu’ils font – la bonne télévision, ce n’est pas si dur, et elle n’est pas forcement destinée à une audience de niche. Tout ça pour dire que c’était quand même sacrément de la merde.