God Save the Queen !
En tant que fane de l'Histoire britannique , j'attendais avec grande impatience cette série. Et je n'ai pas été déçue ! Tout d'abord la reconstitution historique est brillante , les manoirs...
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le 6 nov. 2016
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Ça m’interpelle.
Oui, ce rapport qu’ont les Britanniques avec leur famille royale, ça m’interpelle.
…Et je crois bien que ça m’a toujours interpellé.
D’un côté le respect et la fascination du pouvoir sacré qui persiste malgré les chaos du temps. De l’autre ce goût profane à vouloir absolument trouver du vice, du trivial et du commun chez ces gens qu’on veut pourtant « hors du commun »…
Cette ambivalence s’est toujours ressentie dans chaque film, série ou documentaire d’envergure ayant entrepris de traiter de front le sujet. Un exercice casse-gueule tant les attentes du public sont fortes et contraires à la fois…
…Un exercice qu’à dire vrai, je ne comprends pas.
The Crown est de ces folles entreprises.
Aux origines du projet, le film The Queen, traitant du même sujet, et dont le succès inspire à Peter Morgan – scénariste sur ce long-métrage – l’envie de le décliner en série, le format phare du moment.
Pour donner corps à cet ouvrage ambitieux, c’est Netflix – véritable ogre à l’époque – qui vient déverser les liasses sur la table.
Ne reste, pour compléter le prestigieux tableau, qu’à réunir la fine crème des plateaux anglais, qu’elle découle du monde du cinéma ou de la série. Ainsi retrouve-t-on là-dedans le Matt Smith de Doctor Who, la Claire Foy de Dans l’ombre des Tudor, le Dominic West de The Wire, la Gillian Anderson de The X-Files, le Tobias Menzies de Rome ou bien encore le Charles Dance de Game of Thrones.
A côté de ceux-là, on débauche toute une brochette d’acteurs oscarisés, baftaïsés, ou a minima nominés, qu’il s’agisse d’Olivia Colman, de Jonathan Pryce, d’Imelda Staunton, de Vanessa Kirby ou bien encore d’Helena Bonham Carter.
Et histoire même de « couronner » le tout (ho ! ho !) on nous rajoute par-dessus ça, une bande originale composée par le frère Gregson-Williams, Lorne Balfe et – saphir le diadème – un thème écrit par Hans Zimmer lui-même.
Toute une artillerie qui ne pouvait que m’interpeller – une fois de plus – mais tout en me laissant dubitatif.
Que pouvait-on bien dire de si intéressant que ça sur la Reine d’Angleterre sur les soixante longs épisodes annoncés ?
A peine le premier épisode lancé qu’on comprend déjà sur quelles forces la série entend capitaliser et quels pièges elle va s’essayer de contourner.
La première force est évidente : c’est le rayonnement du sujet à lui seul.
Elisabeth II, au moment où la série se lance, c’est plus de soixante ans de règne au sein d’un Royaume-Uni en pleine mutation et en pleine agitation. L’agitation d’un monde qui se polarise autour d’une nouvelle opposition entre grandes puissances mondiales dont l’Empire britannique se retrouve exclu, mais aussi l’agitation de la décolonisation, de l’IRA, de la grande grève mais aussi celle de la libéralisation des mœurs…
Elisabeth II c’est aussi à l’époque treize Premiers ministres parmi lesquels Winston Churchill, Margaret Thatcher et Tony Blair.
Elisabeth II c’est un vieux galion majestueux parti bien jeune en haute mer, qui a tangué mais qui n’a jamais sombré.
Savoir comment s’est bâtie l’icône suffit à intriguer et à capter l’intérêt.
La série prend le parti d’aller prendre le personnage juste avant la réception de la couronne. Elle a alors vingt-sept ans. La femme est déjà plus que préparée à son rôle. Néanmoins la série a l’intelligence de poser tout de suite l’ambiguïté sur laquelle repose la fascination à l’égard du personnage : d’un côté le sacré, de l’autre l’humain.
Elisabeth est posée comme une femme qui s’efforce de concilier devoir et relation de famille.
D’un côté Margaret ; cette sœur qui se serait davantage sentie d’assumer le rôle de Reine. Une sœur fidèle mais frustrée. De l’autre, Philip : le prince déchu ; un ancien héros de guerre qui supporte mal d’avoir été réduit à une vie essentiellement domestique. Et puis au milieu de tout cela il y a les enfants. Des enfants qu’Elisabeth veut chérir mais tout en n’oubliant pas de les préparer à leurs futures obligations.
En entrant dans le personnage par la voie de l’héritière avant de celle de la Reine, la série la joue plutôt finement. Elle focalise davantage sur les devoirs familiaux d’Elisabeth mais sans occulter les devoirs politiques à venir. Elle offre un visage et des enjeux humains à un personnage qui n’en est pas moins déjà obligé d’évoluer dans un cadre codifié. Mais en transmettant la couronne à Elisabeth dès l’épisode suivant, la première saison parvient tout de suite à lancer cette dynamique qui va être entretenue par ce poids de plus en plus lourd de cette couronne, et des difficultés de la jeune Reine à arbitrer les situations de conflit qui s’installeront dans sa famille.
C’est là d’ailleurs toute la deuxième force de la série : la pertinence de l’angle initial adopté.
Alors après, certes, cette première saison n’échappe pas à la froideur du glacis royal.
Quand bien même le trio Claire Foy, Matt Smith, Vanessa Kirby campe bien leurs personnages – sachant trouver un bon point d’équilibre entre expression de sentiments profonds d’un côté et nécessaires réserves dues à leur rang de l’autre - le fait est qu’au bout de quelques épisodes, la question fatidique finit malgré tout et légitimement par se poser : quel intérêt ?
D’accord, on ne parle pas de n’importe qui. D’accord, la série donne l’impression de lever le voile derrière le vernis officiel. Mais, mécaniquement, il suffit d’une seule saison pour user cette formule construite sur les seuls sentiments contrariés de la famille royale. Surtout qu’à traiter avec pudeur ces sujets-là, la série préserve le sacré au dépend de la nécessaire aspérité qu’impose ce genre d’intrigue sur le long cours.
Très rapidement j’ai senti le besoin de plus d’amertume ou d’acidité ; une amertume et une acidité que pouvaient apporter des évènements comme l’épisode Lady Di mais qui, malheureusement, s’éverraient bien trop lointains au regard du tempo très long choisi par la série.
Ce tempo, c’est ce qui aurait pu très vite couler The Crown à mes yeux. Mais fort heureusement, il y a une troisième qualité qui est venue maintenir le bateau à flots sur une à deux saisons supplémentaires. Et cette troisième qualité c’est la fenêtre que cette série ouvre vers l’extérieur.
Cet angle avait beau être évident qu’il était néanmoins indispensable.
L’un des grands points d’intérêt du règne d’Elisabeth II est moins sa personne que tout ce qui a pu se produire autour d’elle.
C’est peut-être même le point qui m’a le plus agréablement surpris de la série. A chaque épisode, une turpitude politique, sociale, ou internationale, vient bousculer l’assise du monarque et de son pouvoir, quand bien même ce dernier n’est-il que purement symbolique.
Pour le coup, la série a clairement eu un don certain pour baliser régulièrement le règne d’Elisabeth d’épisodes aussi variés qu’inattendus.
Parfois il s’agit d’une crise politique dans l’empire, comme ça peut être le cas avec celle de Suez (saison 2, épisode 1) ou bien encore celle de l’indépendance du Ghana (saison 2, épisode 8). D’autre fois il s’agit d’une crise interne comme l’épisode de grand smog de 1952 où Londres fut paralysé par un grand nuage de pollution industrielle ou bien encore comme le drame d’Aberfan durant lequel un village de mineurs se retrouve rasé par l’éboulement d’un terril (saison 3, épisode 3). Enfin il y a les quelques drames personnels qui touchent plus particulièrement la famille, comme les déboires amoureux de Margaret (saison 1, épisode 6), le scandale des parties fines auxquelles participe le Prince Philip (saison 2, épisode 3) ou bien encore la proximité de l’oncle d’Elisabeth – l’ex-roi Edouard VIII – avec le régime nazi (saison 2, épisode 6).
Chacun de ces événements, malgré son caractère épisodique et impromptu, parvient toujours à impacter judicieusement le couple royal de manière à entretenir assez intelligemment le fil conducteur de la série, à savoir la tension entre le pouvoir et les relations de famille, et ceci sur des registres aussi différents que variés.
Certains de ces épisodes sont parfois même l’occasion de belles mayonnaises scénaristiques. Je pense notamment à la manière dont l’épisode sur le smog parvient à installer un climat littéralement étouffant alors qu’en parallèle la Reine est confrontée à une vraie crise politique autour du déclin physique et politique de Winston Churchill.
Mieux encore, à quelques rares moments, la série réussit véritablement à faire se percuter intelligemment événements historiques et dramaturgie familiale.
Je pense notamment à l’attentat contre Lord Mountbatten dans l’épisode 4 de la saison 1, particulièrement bien amené.
Ce balisage de l’histoire anglaise permet ainsi – en partie – de justifier et de faire passer la pilule de ce tempo long étalé sur autant d’épisodes et de saisons.
Seulement voilà, « en partie » seulement, car – malgré toutes ces qualités évidentes – j’ai trouvé qu’au fur et à mesure des saisons, la couronne finit par s’écrouler sous son propre poids… Et surtout sous le poids du temps long.
Ce tempo étalé sur six saisons de soixante épisodes, pour moi, c’est clairement ce qui finit par avoir raison de cette série.
Premier gros raté, aussi surprenant qu’évident : le renouvèlement régulier de casting.
Alors d’accord : c’était évident qu’en étalant son intrigue sur près de soixante-dix ans, la question de l’incarnation allait s’imposer et – oui – le choix d’un changement régulier d’acteurs et d’actrices (toutes les deux saisons) s’avérait moins casse-gueule que de se lancer dans un jeu de maquillage potentiellement grotesque sur des dizaines d’épisodes. Soit…
…Oui mais sauf que, moi, dans les faits, ce renouvèlement m’a totalement sorti du truc.
Parce que c’est une chose d’adhérer à une idée sur le papier, mais ç’en est une autre que d’y être confronté en pleine immersion dans l’univers de la série.
Car au bout de deux saisons, le spectateur que je suis a eu vite fait de se familiariser avec ces personnages incarnés par Claire Foy, Matt Smith et consorts. Donc quand tout soudain, en début de saison 3, on nous dit : « Bon bah maintenant Elisabeth c’est Olivia Colman, Philip c’est Tobias Menzies, et Margaret c’est Helena Bonham Carter… », eh bah il y a eu dans mon esprit une transition qui ne s’est pas opérée.
…Et même si la série a su se montrer malicieuse pour permettre à tout un chacun d’identifier rapidement qui était qui, le fait est que l’artifice a été malgré tout mis à nu et que je n’ai pas su le dépasser.. Je ne voyais plus le personnage d’Elisabeth II, mais bien Olivia Colman en train de jouer Elisabeth II.
Ça, pour moi, c’est le premier des grands couacs de cette série.
Mais à dire vrai, je pense que ce premier couac est en fait lié à un autre qui lui est étroitement lié : ce fameux tempo long, encore et toujours.
Je disais pourtant quelques paragraphes plus haut que la trame concoctée par Peter Morgan avait su contourner les contraintes d’un tel tempo avec une réelle habilité, permettant de belles mises en lumière de l’histoire contemporaine britannique, et cela je n’entends d’ailleurs pas le remettre en question…
…Le problème c’est qu’à force d’enchainer les épisodes, la série finit par épuiser toutes ses meilleures astuces dont elle disposait pour connecter ces épisodes historiques aux problématiques familiales de la couronne. Et forcément, au bout d’un moment, ça tourne un peu en rond, et parfois ça sombre clairement dans l’inconséquent, voire une réelle balourdise.
L’exemple qui me semble le plus frappant à ce sujet est celui de l’épisode 7 de la saison 3 traitant de la rencontre de Philip avec l’équipage d’Apollo 11.
La série prend pour parti de construire tout un épisode autour de cette rencontre et, pour ce faire, elle entend réactiver la bonne vieille dualité amour et devoir familial / désir d’aventure autour duquel le personnage est construit depuis le début.
Seulement trois problèmes se posent : 1) cet axe est totalement surexploité depuis deux saisons et demie et peine à se renouveler ; 2) cette seule thématique ne parvient pas à nourrir l’intérêt d’un seul épisode ; 3) ce problème se retrouve résolu en fin d’épisode de manière assez abrupte et surtout de manière bien trop explicite.
Cet épisode, c’est le symbole des grosses ficelles qui finissent par gêner et s’user à force des saisons ; mais c’est aussi l’épisode qui permet de révéler au mieux comment ces limites scénaristiques sont amener à la longue à entrer en résonance avec cet autre problème qu’est le renouvèlement de casting.
Parce que l’air de rien, cette thématique du Philip aventurier blasé, elle n’a pas été tant mobilisée que ça durant toute cette saison 3, si bien que lorsque cet épisode nous invite à resolliciter nos souvenirs sur ce sujet-là, les images qui nous reviennent sont essentiellement des images de la saison 2, c’est-à-dire les images d’un Philip incarné par Matt Smith qui n’est pas le Philip incarné par Tobias Menzies…
…Et bien que les deux acteurs soient très bons et aient su livrer une interprétation juste et cohérente du Prince Philip, le fait est que leur jeu n’est pas le même. Leur façon de retranscrire les émotions du personnage n’est pas la même, tout comme notre façon de les percevoir toutes les deux n’est pas non plus la même !
La série entretient un sentiment de dualité là il devrait y avoir continuité.
L’artifice ne s’efface pas. Il se rappelle sans cesse à nous.
C’est le deuxième grand couac, qui est en fait un double couac.
Je trouve ça vraiment dommage parce que, avec le recul, je me dis qu’avec d’autres choix, on aurait pu tomber sur une formule plus convaincante.
D’une part, je pense qu’il aurait vraiment fallu faire le pari d’un nombre de saisons moins important, lesquels auraient dû prendre en considération une période historique plus large afin de gagner en intensité, en dynamique, voire même en profondeur.
Déjà moi je ne comprends pas ce choix de ne commencer la série qu’en 1952, à la veille du couronnement d’Elisabeth, alors que celle-ci est déjà âgée de vingt-sept ans.
Alors certes, en procédant ainsi, la série fait le choix de ne se focaliser que sur le seul règne d’Elisabeth II, ce qui n’est pas dénué de sens. Mais ce choix a contre lui l’inconvénient d’expédier à la trappe toute la jeunesse d’Elisabeth, laquelle comprenant pourtant des moments qui sont historiquement et dramarturgiquement essentiels à la compréhension et à la construction du personnage.
Partir d’une jeune Elisabeth ingénue et naïve – celle des années 30 – ça aurait permis à la série de partir d’une gamine à qui la vie de princesse semblait garantie. Elle n’est pas en ligne directe de succession. Son grand-père George V a su pacifier les rapports avec le parlement. Elle aurait dès lors très bien pu vivre la vie de château, avec sa sœur, sans ses inconvénients politiques… Mais en amorçant la série avec la mort de George V, cette première saison aurait permis d’amorcer le conflit amour / devoir sacré avec le personnage de son oncle Edouard, puis amener dans la foulée l’expérience du lourd poids – pourtant tout symbolique – de la couronne britannique en temps de guerre par l’intermède du règne de son père, George VI : amenant dans son sillage ce grand bouleversement de devenir soudainement l’héritière, impliquant également un changement de statut.
De là la série aurait pu amorcer plus en amont la rivalité entre Elisabeth et Margaret. L’une ne va pas connaître la gloire de devenir reine mais l’autre va se faire davantage dépossédée de ses choix de vie, comme de celle de son futur époux par exemple…
Ça aurait été l’occasion rêvée d’installer la relation entre la future reine et Philip sous un tout autre angle ; notamment sous celui de la tentation de se défausser tant le prétendant écœure dans un premier temps la future reine.
Toute cette saison aurait alors été l’opportunité non seulement de l’exposition d’une transition plus brutale du règne à venir d’Elisabeth, mais aussi une bien meilleure installation de la plupart des thématiques et arcs de la série.
Ainsi faisant, Philip, Edouard et Margaret auraient été bien mieux amenés, et George VI et Elisabeth Bowes-Lyon auraient bénéficié d’une bien meilleure mise en lumière.
A partir de cette base, la série aurait alors pu ne se risquer qu’à seulement quatre saisons supplémentaires : une saison 2 qui fasse un saut de dix ans pour se dérouler sur une courte période située entre la mort de George VI et la fin de mandat de Winston Churchill. Puis un autre saut de dix ans pour une troisième saison de transition en pleines années 60 qui auraient installé les changements de mœurs, les déboires de Margaret, l’émergence de Charles et de son destin amoureux. Ensuite, nouveau bond dans le temps pour aborder la saison 4, pour amener Thatcher et Diana. Et enfin, dernier bond et dernière saison commençant à la fin des années 90, avec les dernières années de vie de Diana et les dernières décennies de règne de la Reine…
Cinq saisons construites en rupture les unes par rapport aux autres donc, et non en continuité.
Des changements de casting à chaque saison qui auraient été davantage justifiés par ces grands bonds dans le temps. La série aurait perdu en exhaustivité certes, mais les saisons y auraient gagnées en identité, cohérence et percussion.
…Mais bon voilà, ce n’est donc pas ce qui a été choisi… Au détriment – je pense – de la série.
Je disais un peu plus haut ne pas comprendre ce choix de tempo opéré par Peter Morgan. Mais en fait c’est à moitié vrai.
Si on prend le temps de réfléchir un peu, certaines raisons se dégagent assez facilement et peuvent clairement se comprendre.
Déjà, il est à noter que le projet se lance seulement quelques années après la sortie – et le triomphe – du Discours d’un roi ; ce film de Tom Hooper qui relate justement tout le règne de George VI. Sortir dès lors une série dont la première saison aurait repris tout le fil d’intrigue de ce film oscarisé aurait constitué un trop gros risque de lassitude de la part du public, d’où peut-être ce choix de commencer finalement The Crown au début de règne d’Elisabeth II.
Idem, faire une première saison dont les derniers épisodes se seraient déroulés en plein blitz étaient clairement un choix plus coûteux en termes de reconstitution, même pour les bourses alors pleines du géant Netflix, d’où encore une fois ce choix plus prudent.
Et puis enfin, je pense qu’on ne peut pas non plus exclure cette idée selon laquelle Peter Morgan ait sciemment fait le choix de privilégier une intrigue basée sur la continuité et l’exhaustivité plutôt que sur la rupture et la mise en évidence des points saillants…
…Et cela pour une raison inhérente à ce genre de programme ; genre de programme dont les enjeux m’échappent pour l’essentiel.
C’était justement cela que je disais dès le début de ma critique : ma globale incompréhension de ce type de projet…
…Ou plutôt, plus qu’une incompréhension, un relatif désintérêt.
Ça me semble factuel : malgré ses nombreuses qualités et sa débauche de moyens et de grands noms, je ne suis pas le public visé par The Crown.
Parce qu’au fond, il y a plusieurs façons de s’intéresser aux têtes couronnées. Entre ceux qui espèrent une foire aux monstres façon Rois maudits d’un côté et ceux qui espèrent une féérie façon Disney de l’autre, il y a quand même tout un monde. Et s’il serait erroné de dire que The Crown ne s’adresse qu’aux collectionneurs de mugs Diana, il parait néanmoins évident que la série n’entend pas non plus se mettre à dos ce vaste public qui nourrit à l’égard de la famille royale une certaine révérence.
Voilà un public qui a un certain goût pour le sacré et qui aspire à ce qu’on n’entache pas trop l’image des Windsor ; un public qui préférera l’image d’un Prince Philip posé avec ses enfants pour partager sa passion de l’alunissage – quand bien même cette image semble artificielle – à celle d’un mariage de raison plein d’aigreur entre le prince de Grèce et la future reine du Royaume-Uni.
De là, le choix de Peter Morgan coule de source : la continuité plutôt que la rupture. L’équilibre œcuménique plutôt que la recherche d’une analyse pertinente au risque d’être clivante.
Partant de ce constat-là, je pense que ce qu’est finalement The Crown est parvenu à trouver la moins pire déclinaison de ce qu’il pouvait être.
Il préserve le sacré mais sans pour autant servir la soupe.
Il n’élude pas les scandales, mais tout en maintenant une distance pudique.
Il n’ignore pas le domaine politique et ses enjeux, même s’il les traite avec distance.
C’est juste sans être acide. C’est admirateur sans être admiratif.
C’est en fait… Consensuel.
Un habile consensualisme certes…
…Mais un consensualisme malgré tout.
Au fond cette série aura été à l’image de son sujet.
Elle n’aura rien apporté. Aucune nouveauté. Aucun regard. Aucun propos. Aucune audace.
Elle aura juste été là, à entretenir une sorte de goût pour un fantasme symbolique d’union et de préservation de l’essentiel.
Car oui, The Crown, c’est ça.
Une série qui, bien qu’elle n’ait rien apporté, a su avoir pour mérite d’entretenir une imagerie.
Ça peut apparaitre comme artistiquement vain, certes, mais ça reste élégant et bien ouvragé.
Et si je peux entendre que pour certains ce charme conservateur leur suffit,
Il y en a pour qui, comme moi, seront contraint de considérer qu’il ne s’agit pas là de leur tasse de thé…
Créée
le 5 sept. 2023
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