Imaginez Do The Right Thing de Spike Lee, mais version comédie musicale à la West Side Story, avec les délires formels habituels de Baz Luhrmann, l’un des plus gros budgets de l’histoire de la télévision, le tout dans le contexte du monde émergent du hip hop à la fin des années 70. The Get Down c’est un projet qui effraie et fait rêver dans le même temps : Luhrmann est un auteur très clivant, The Get Down est un bordel créatif aux références et aux influences souvent paradoxales, comme il nous y a habitué au cinéma.
Bigger-than-life, c’est vraiment ce qui qualifie le mieux The Get Down. Dans la musique, tout d’abord, omniprésente et très expressive, qui aligne tubes disco, hip hop, musiques de films ; mais aussi dans la forme, énergique et malheureusement souvent illisible, avec son montage clipesque et ses décors apocalyptiques. On est dans le musical, on est dans le western, dans le mélodrame, dans le film de kung fu, dans le feel-good movie, dans le social. The Get Down c’est tout et c’est rien : c’est là son plus grand défaut, on ne sait jamais vraiment ce qu’on regarde, et ça donne souvent une migraine. La série tente beaucoup de choses, elle en réussit peu ; mais on peut au moins applaudir la qualité stratosphérique de ses scènes chantées, d’un dynamisme jouissif, d’une énergie communicative euphorisante. Elles sauvent la plupart des épisodes, dynamitent le statu-quo et méritant à elles seules qu’on laisse une chance à la série. Le dernier épisode de cette première partie est à ce titre une belle réussite.
Première partie car les six épisodes dévoilés par Netflix ne constituent pas l’entièreté de la première saison de The Get Down. Alors qu’ils sont vraisemblablement tous tournés depuis un moment, le service de streaming a pris la décision de diviser la saison en deux parties, la deuxième sera elle diffusée en 2017. Conflit créatif ? Retard de la production ? Tentative d’un nouveau format de diffusion ? On peut se poser de nombreuses questions sur cette surprenante décision, mais elle n’est dans tous les cas pas favorable à la qualité de la série qui en souffre beaucoup, laissant un spectateur frustré à la fin de ces six heures. Les personnages sont à peine posés, l’intrigue est à l’état d’embryon et, plus important encore : on ne sait toujours pas ce qu’on regarde.
Du coup, difficile de déjà donner un avis définitif sur The Get Down. Handicapée par un pilote calamiteux (pourtant réalisé par Luhrmann) qui ne manquera pas de faire abandonner une grosse partie de son public, la plupart des épisodes restants ne sont eux pas déplaisants. Clairement imparfaits, ils témoignent dans tous les cas d’un potentiel encore bien présent : The Get Down a encore des choses à nous proposer, et c’est bien pour cela qu’on sera devant notre écran pour la suite.
On ne peut cependant pas pardonner à The Get Down ses tares évidentes, dont certaines – un peu à la manière de Narcos – semblent inscrites dans l’ADN créatif du show. Sa narration tout d’abord, qui est trop ardente pour se poser, et donc pour toucher. On passe du coq à l’âne, les scènes se superposent de façon parfois chaotique – cela handicape The Get Down dans une mission pourtant fondamentale : construire des personnages qui, à l’exception d’un ou deux, se révèlent bien souvent superficiels.
Difficile de dire du mal de The Get Down, nouvelle création Netflix à l'important capital sympathie. On a envie de l’aimer, de la voir briller, mais ses éclairs de génie ne sont qu’éphémères. L’écriture est faiblarde, la mise en scène pas toujours inspirée, les épisodes mal construits. Et pourtant, derrière ces qualificatifs attendus, son énergie folle, au départ assommante, finit par donner à The Get Down un caractère fascinant. Ce sont ses écarts musicaux qui parachèvent ce semi-échec, semi-réussite. On ne sait pas trop quoi penser, et ce n’est clairement pas fait pour tout le monde. Les amateurs du style de Baz Luhrmann évolueront en terrain connu, les autres pourront être laissés sur le carreau ou découvrir, dubitatifs, une œuvre irrégulière et pourtant absolument unique à la télévision. A ne pas mettre entre toutes les mains.