Hail to the grief
Nulle surprise à ce que l’exposition de The Leftovers soit à ce point saturée de mystères : le créateur de Lost, Damon Lindelof, n’est est pas à son coup d’essai en matière d’écriture, et le monde...
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Après Lost, une incursion au cinéma douteuse (Prometheus), le scénariste Damon Lindelof revient sur la télé par la grande porte avec une adaptation HBO d'un roman de Tom Perotta - qui coscénrise la série -, Les disparus de Mapleton. Pourquoi parler du scénariste avant tout ? Parce qu'actuellement, si le cinéma a une chose à envier à la télé, c'est bien l'écriture.
De quoi parle-t-on ici ? De la disparition soudaine et inexplicable de 2% de la population mondiale ? Non, de l'après - trois ans pour être précis - pour les habitants d'une petite ville de l'état de New York, Mapleton. Les films catastrophe ont toujours été chiants. Les post-apo beaucoup moins. Car c'est de cela qu'il s'agit. D'une société composée d'individus fracassés dans leurs croyances, leurs façon de vivre, leur foi en l'avenir. Quand on cesse d'espérer, comment construire quelque chose ?
Si le thème du deuil, évidemment omniprésent, est traité avec beaucoup de justesse, c'est finalement le discours sur la quête de sens, l'importance de la famille, notre animalité intériorisée, l'engagement, l'acceptation de notre propre impuissance, qui prend le pas et donne sa valeur à sa série. Dès lors, elle devient, comme Lost, une série métaphorique puissante, une fable philosophique moderne. Elle accepte pleinement de ne pas chercher à tout expliquer, ou à boucler un scénario qui n'en a pas besoin.
Cela passe par des personnages inoubliables que l'on aime dès leur première scène, tout autant par leur écriture que par la qualité de leurs interprètes. Il faut les voir souffrir, aimer, errer devant nous , chacun à leur façon, chacun à sa place. On peut voir en chacun d'eux un décalque, ou plutôt une extension des personnages de Lost, poussés à leurs paroxysmes, face à leurs dilemmes existentiels. Kévin, Jack ultime, en quête de sens, tente d'aider les autres pour mieux dissimuler ses propres souffrances. Matt, renvoie à Locke, avec sa femme en fauteuil, en passant à travers une série d'épreuves de sa foi.
The Leftovers est un traumatisme. Chaque épisode, ou presque, vous laisse complètement anéanti. Sans jamais sombrer dans le tire-larme ou le larmoyant, car tout est dans le non-dit, parce qu'il n'est pas nécessaire de mettre des mots quand on met en image et en musique, vecteur de narration incontournable de la série, qui tracte tout le poids des enjeux derrière elle. Un habillage précis de thèmes, mais aussi de chansons tantôt diégétique (Homeward Bound de Simon & Garfunkel en étant le meilleur exemple), tantôt extra diégétique, qui sont reprises ensuite avec des variations (Where is my mind), pour nous montrer le prisme d'émotions que peut générer un même moment. Cette subtilité permet à la série, tout en retenue, de nous écraser quand elle décide de se mettre en avant de toute sa force. Elle suggère plutôt que de montrer, et la puissance de notre imagination fait le reste, de manière plus efficace que n'importe quel artifice.
Quel plaisir de la voir prendre son temps à l'heure du binge watching généralisé, d'oser expérimenter quand le format semble se transformer en moule, de ne pas céder aux cliffangers faciles quand bien même les situations le permettraient. Ce sont les oeuvres qui sortent du cadre qui font évoluer leur médium. Plus que jamais, la marge tient la page.
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Créée
le 7 janv. 2016
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