En voilà une série singulière (pour ses 5 premiers épisodes en tout cas), et assez réussie pour ce que j'en pense. Je ne suis pas sûr que les intentions de ses créateurs soient de susciter moult théories, il y a une trame linéaire bien menée, avec une montée crescendo de la tension très efficace.
Cependant, cette série m'inspire pourtant une étrange réflexion sur l'Angleterre victorienne et ses caractéristiques culturelles si étrangères à tout. Le scenario repose, par le truchement d'un roman, sur une histoire vraie, l'expédition Franklin. Il suffit de consulter la page wikipédia de cette expédition pour savoir que les équipages des deux navires qui la composent disparurent sans aucun survivant en cherchant le passage du nord-ouest dans l'archipel arctique canadien et que c'est plusieurs dizaines d'années plus tard, voire plus d'un siècle, que des découvertes permirent de savoir ce qu'il en advint. La série (comme le roman dont elle est tirée) introduit un élément surnaturel bienvenu pour rendre l'histoire plus palpitante qu'une lente agonie due au froid et à la maladie. Mais une théorie (pour le coup) sur une des causes du désastre réel de l'expédition Franklin est l'incapacité totale des sujets de l'empire britannique d'accepter même d'adopter les pratiques de survie des Inuits autochtones qui vivent là depuis des siècles et qu'ils ont croisés, des témoignages en attestent.
C'est là un des points forts de la série à mon avis, le tableau excellemment brossé d'une galerie de personnages d'officiers, fusiliers ou simples matelots sujets de la reine Victoria, qui, tout en pouvant susciter de la sympathie chez le téléspectateur que je suis, sont si incroyablement engoncés dans un échafaudage de convenances tellement déshumanisées qu'elles ne peuvent qu'inhiber chez eux le moindre instinct de survie. Face à eux, Lady Silence, l'inuite qui gravite malgré elle autour d'eux, paraît beaucoup plus "normale" en dépit de la langue incompréhensible qu'elle parle et de son mode de vie antipodique.
Tout cela interroge sur l'état du monde aujourd'hui quand on sait que c'est justement l'empire britannique victorien qui l'a en partie façonné par son colonialisme implacable. Mais c'est une autre histoire...
Edit : J'ai baissé ma note, j'ai beaucoup moins aimé la deuxième partie de la série. Ce que j'appréciais dans la première partie, le caractère très nuancé, très délicat du traitement des personnages, a volé en éclat. Peut-être que le contexte peut expliquer que, tout à coup, les personnages perdent les pédales et deviennent caricaturaux, mais j'ai trouvé cela bizarrement amené, de façon gratuite. Le personnage de Hickey, incompréhensible, gâche complètement la deuxième partie de la série.