"The Young Pope" peut se comparer à "Versailles", à "House of cards" et d'un point de vue stylistique à "Peaky Blinder". "Versailles", c'est malheureusement moins bien. Louis XIV paraît insignifiant face à Pi XIII - c'est grave quand même, non ? "House of cards", c'est moins bien aussi. Déjà c'est américain, ça nous parle moins. "Peaky Blinders", c'est cool, c'est anglais alors la comparaison est positive. Donc en gros The Young Pope c'est vraiment cool. Mais pourquoi ? Parce que l'Italie, parce que Sorrentino, parce que l'Italie... Non, bon un peu, c'est vrai. Mais tentons de comprendre les vrais raisons de ce postulat de départ.
La forme a toujours pour objectif de servir le fond et je pense, à titre personnel, que la forme peut servir n'importe quel sujet alors que l'inverse est rarement possible. Il est souvent déconseillé voir formellement interdit de séparer la forme du fond. Moi j'adore ça et comme, ici, je fais ce que je veux, ça tombe plutôt bien.
En cherchant comment qualifier le style de Sorrentino, j'ai trouvé le terme de "sobriété classe". On la retrouve dans une vision européenne du sexe, réaliste et mesurée (comme dans la scène du plan à trois qui m'a un peu rappelé du Bertolucci), dans une certaine retenue et dans un esthétisme épuré qui sert avec force le jeu d'acteur.
Jude Law, en PI XIII est rayonnant et incarne son rôle avec beaucoup de réussite accompagné des talentueux Diane Keaton, James Cromwell, Cécile de France et d'autres. Une préférence toute particulière pour Silvio Orlando - que je ne connaissais pas d'ailleurs - très drôle et émouvant dans le rôle du Cardinal Voiello. Ici comme dans les autres films de ce réalisateur, les répliques claquent et fusent avec une efficacité redoutable.
Les épisodes sont également riches, fournis et agréablement rythmés par une bande originale alternant musique classique très solennelle et morceaux plus rock'n roll souvent inattendus. J'ai d'ailleurs remarqué une certaine récurrence chez Sorrentino dans la revendication de ses goûts pour une musique assez populaire comme dans son chef d'oeuvre "La Grande Bellezza". Et aussi dans les plans de cigarettes consumées au trois quarts avec une cendre de trois centimètres de long. C'est récurrent ça aussi.
Si cette manière de raconter les choses, propre à ce réalisateur, est déjà en soi digne d'intérêt, on aurait pu s'attendre, il est vrai, à une histoire assez convenue sur la décadence de Rome, du Vatican, de ses cardinaux - thème célèbre s'il en est - sur les prises de position du Pape sur les questions de l'avortement, de l'homo sexualité et du rapport de l'Eglise avec la pédophilie. Mais la première chose que l'on constate - avec un certain plaisir pour ma part - c'est qu'il n'est pas question de manichéisme ici. Le Pape assume avec une certaine passion, le message chrétien réactionnaire, comprend les rouages d'une organisation gangrenée par la politique et par l'image et décide de faire bouger les lignes fort de sa toute puissance divine. Alors à ce point de la série - sixième épisode de la première saison - il est un peu compliqué de déterminer l'éventuelle morale qui se dégage du film. On peut tout de même supposer des axes importants de réflexion proposés par Sorrentino autour de la beauté - mise en avant en permanence et relevant d'une vision philosophique de l'homme- de l'influence du christianisme dans la culture italienne et enfin du rapport à la filiation qui sera sans doute plus explicité au fur et à mesure de l'avancement de la série.
Pour émettre quelques réserves, il y aura forcement certaines personnes qui ne pourront apprécier cette série pour les quelques secondes de contemplatif qu'elle nous propose pour peu qu'elles ne fassent pas l'effort d'aller un peu au-delà, ces légère latences étant indispensables au rendu général. On n'échappera pas non plus à certains clichés un peu faciles et à l'influence américaine jusque dans le choix d'un Pape issu de la première puissance mondiale.
The Young Pope reste, en conclusion, très fidèle au style et aux idées de Paolo Sorrentino qui traite ce sujet, comme à son habitude, avec talent et virtuosité. Reste à constater si la suite continue sur la même lignée. Si c'est le cas, j'ai trouvé une émeraude aux inclusions caractéristiques - rien que ça. Je la conseille aux amateurs de l'Italie, aux amateurs de politique, aux amateurs de Sorrentino. En fait, je conseille cette expérience à tout le monde.