Tuca & Bertie est une nouvelle série animée qui ressemble beaucoup à Bojack Horseman (j'apprends d'ailleurs qu'il s'agit de la même équipe), émission que personnellement j'aime, mais pas totalement non plus.
On a affaire à une sitcom avec des personnages à tête d'animaux qui multiplie les gags (heureusement on échappe aux rires enregistrés) et explore la psychologie, les états d'âme et les relations de personnages supposés complexes, et pleins de défauts, et qui bien sûr sont en fait attachants. Comme Bojack Horseman, donc. En moins bien quand même. Nettement.
Autant Tuca est insouciante, extravertie, exubérante, débrouillarde, pleine d'énergie, mais aussi irresponsable, superficielle, sans gêne, autant sa meilleure amie Bertie est tout l'inverse : calme, posée, réfléchie, cérébrale, introvertie, mais aussi angoissée, complexée, en proie aux doutes et aux questionnements...
Il faut avouer que ce n'est pas très original, et que la dynamique relationnelle entre ces deux personnalités est une source facile de gags et d'enjeux. On s'enfonce d'autant plus dans les stéréotypes que la première a bien sûr la voix d'une femme noire, et la seconde d'une femme blanche... Pour la première, sa voix, sa diction, ses tics verbaux, sont d'ailleurs tellement caricaturaux que j'ai eu l'impression de les avoir déjà entendus de multiples fois, à tel point que ça m'a rappelé précisément plusieurs personnages de femmes noires à forte personnalité. Comme Donna dans la série The Cleveland Show, ou Shirley dans Community, et d'autres. Après vérification, je n'ai en fait jamais entendu cette actrice nulle part... Mais on pourrait croire, et ce n'est pas bon signe : jeu d'acteur interchangeable et stéréotypé.
Je trouve aussi que ces personnages sont mal définis, au-delà de cette opposition/complémentarité assez caricaturale, on a un peu de mal à les cerner, ce qui montre qu'ils ne sont pas assez travaillés, il y a quelque chose d'un peu brouillon et superficiel. C'est encore plus flagrant pour le petit ami de Bertie, avec qui elle vit, qui fait presque partie du décor, se contentant de jouer les figurants, sa personnalité est très plate, il est relégué au rang de faire-valoir.
Cette série à l'esthétique et à l'ambiance très hipster s'inscrit d'ailleurs complètement dans l'air du temps, elle va dans le sens du vent, s'engouffre dans le politiquement correct et tous ses tics, il n'y a rien de personnel, d'intemporel, de romantique ou de poétique dans la série. Tout le contraire par exemple de Over The Garden Wall (La Forêt de l'Etrange), une autre série animée très récente. Les hommes sont ainsi tous idiots, falots, égoïstes ou tyranniques, au nom d'un féminisme de circonstance, tandis que les femmes, malgré certains défauts, qui de toute façon ne font que les rendre plus humaines et plus attachantes, sont pleines de ressources et craquantes, chacune à sa façon.
De même, comme je l'ai suggéré, le personnage de Tuca, femme afro-américaine, sous prétexte de brosser un portrait flatteur de cette communauté, tombe en fait dans tous les clichés, et atteint presque le résultat inverse en caricaturant à outrance.
Très vite, des thèmes brûlants d'actualité, comme le harcèlement sexuel, sont abordés, sans aucune finesse, et dans un état d'esprit qui semble être "il faut absolument en parler coûte que coûte, même si on n'a rien à dire (à part "c'est mal")".
Il est donc un peu dommage de tomber dans tous ces stéréotypes, surtout quand on prétend justement dénoncer les stéréotypes. Bon ce n'est pas non plus si flagrant que ça, il y a sans doute pire dans le genre, ce n'est pas rédhibitoire. Mais un peu gênant quand même, surtout que ce n'est pas le seul défaut de la série...
Celle-ci est en effet est très colorée, un peu hystérique, un peu trop criarde, le tout habillé d'une musique électronique "actuelle" façon dance, rap ou r'n'b, teintée de musique de jeu vidéo, ce qui est censé insuffler du dynamisme et de la positive attitude, mais qui est est surtout agaçant, fatiguant et un peu racoleur. A cet égard, le générique est un condensé de tout ça, et est assez dissuasif.
Un peu comme certaines séries actuelles et très populaires, comme Adventure Time, avec qui elle partage une certaine dérision (par exemple des enjeux insignifiants comme récupérer une soucoupe à sucre, qui constituent le ressort principal de l'intrigue), un certain décalage très affecté, qui confinent parfois au ridicule, au consternant, au facile, à la régression infantile excessive à force de vouloir faire mignon et léger.
Pour autant, la série n'est pas dépourvue de qualités, certains gags font mouche, les personnages sont assez attachants, on accède parfois à une certaine finesse. Ca plaira sans doute plus à d'autres qu'à moi.
Mais on est quand même loin de la réussite constituée par Bojack Horseman, qui pourtant déjà est une série qui est loin de faire l'unanimité et qui n'est pas dépourvue de défauts.
Je regrette un certain manque de profondeur, d'originalité, d'authenticité, de nouveauté. Imiter le nouveau, ce n'est pas faire du nouveau. Au contraire. C'est surfer sur une mode.
Tuca & Bertie, c'est pour moi une série agréable, qui se laisse regarder, un divertissement qui ne mange pas de pain, mais pas une oeuvre d'art comme peuvent l'être certaines séries animées, ni même un spectacle qui provoque une hilarité ou un attachement indéfectible.