“The worst thing [already] happened in my own front yard.”
Kidnappée par un gourou alors qu'elle est adolescente, Kimmy Schmidt est poussée à croire que l'apocalypse est survenue et passe 15 ans enfermée dans un bunker avec trois autres femmes. Lorsqu'elle est finalement libérée, elle décide, à la faveur d'un passage TV, de ne pas revenir dans sa ville natale au fin fond de l'Indiana mais de débuter une nouvelle vie à New York.
A l'aube de ses 30 ans, Kimmy est loin d'être idiote, mais elle manque d'expérience. Elle qui n'a pas reçu d'éducation au-delà de la classe de 4ème est un peu naïve et ne prononce jamais un gros mot ("what the fudge", répète-t-elle). Mais son optimisme à toute épreuve est ce qui la sauve : rien ne peut plus lui faire peur, surtout pas New York. Aucun quartier mal famé, prix prohibitif ou habitant mal embouché ne lui résistera.
"Unbreakable Kimmy Schmidt" est une sitcom très drôle, qui rappelle pour beaucoup ses racines, celles de "30 Rock", puisque les deux séries ont les mêmes créateurs, Tina Fey et Robert Carlock. De fait, certaines répliques pourraient apparaître indifférement dans les deux shows : "- Why is your neck so greasy? - I fell asleep eating a Hot Pocket". Pour le reste, la plupart des gags viennent du décalage entre Kimmy et le monde moderne, elle qui doit ingérer à la fois Siri, les selfies et le fait que les frères Hanson ne chantent plus.
L'adorable Ellie Kemper est un choix de casting parfait, après son rôle de standardiste débonnaire dans "The Office". Les seconds rôles ne sont pas en reste, entre Titus, le coloc gay et complètement diva, dont les velléités d'acteur sont à mourir de rire (sa chanson "Pinot Noir" me reste désespérement dans la tête) ou l'impayable Jane Krakowski qui reprend peu ou prou son rôle de "30 Rock". Ici elle n'est pas actrice, mais "trophy wife", riche et imbue d'elle-même au point d'être totalement déconnectée du monde qui l'entoure et de ne surtout pas se renseigner sur le passé de Kimmy avant de l'engager en tant que nourrice. Mais le plus savoureux c'est quand Kimmy se confronte à Xanthippe, belle-fille de son employeur, parfaite pétasse en pleine crise d'adolescence tout droit sortie de "Gossip Girl" qui cherche à percer son secret par tous les moyens.
Mais au-delà du comique de la série, il y a quelque chose plus profond et touchant dans "Unbreakable". Kimmy est une personne qui cherche à se reconstruire après un grave traumatisme. Elle fait toujours des cauchemars, ronge les ongles de son colocataire et est terrifiée par les scratchs pour une mystérieuse raison. A ce titre, l'épisode où elle reçoit son ancienne co-"détenue", qui elle, profite de son statut de victime, est assez intéressant. Comme le soulignait Emily Nussbaum, critique TV du New Yorker (https://twitter.com/emilynussbaum/status/573965285373440000), "Unbreakable" pourrait être le pendant comique de "Room", ce formidable livre qui raconte la séquestration d'une femme et de l'enfant qu'elle a après le viol de son ravisseur.
A travers cette histoire, il y a aussi la question du féminisme qui est évoquée - ce qui est peu étonnant pour une série produite par Tina Fey. Fantasme de fin du harcèlement de rue, on y voit un ouvrier remis à sa place malgré lui, qui s'interroge alors et découvre sa vraie personnalité. Car "Unbreakable" est aussi une façon de parler aux femmes d'"empowerment", de reprendre le pouvoir quelle que soit leur histoire. Après tout, le générique ne nous dit-il pas : "Females are strong as hell" ?