Saison 1
Vendu comme un Game of Thrones à tel point que son accroche "Storm is coming" faisait explicitement référence au "Winter is coming" de la série de HBO, Vikings est la première série de la chaîne History Channel. A vrai dire, j'ai regardé le dernier épisode à sa sortie, mais j'ai préféré prendre du recul, pour un peu mesurer mes propos vis à vis de la série. Je n'en attendais rien - pour être franc, j'y suis allé un peu inquiet, m'attendant de la part de Hirst à un Tudors-au-temps-des-Vikings, contant les faits légendaires du mythique Ragnar Lothbrock, l'un des principaux raideurs de Paris lorsque les vikings ont attaqué la France, et ça ne m'inspirais pas franchement. Si les premiers épisodes tendaient à vérifier cette intuition, il faut dire que Vikings est réellement la preuve qu'il ne faut pas se fier aux premières impressions.
Si le début de saison était passable, plutôt agréable mais relativement simple, la montée en puissance se fait à partir de l'épisode quatre - et jusqu'au huitième, la montée en qualité est assez incroyable, puisque l'épisode huit est en soit une perfection : un stand-alone en parfaite adéquation avec le reste de la série, une méditation sur la religion et une étude en profondeur de ses personnages (Ragnar et le Prêtre en particulier), un épisode grandiose qui, à la mesure du show, tend à prouver la qualité plastique indéniable, le réel travail des décors et d'une série qui s'est vu doter d'une très grande mise en scène. On sait dès le départ où Hirst nous emmène - ou plutôt on sait qu'il connaît le chemin à emprunter, et ce malgré des gros rebondissements très risqués tout le long. Si le dernier épisode est un peu en-dessous et tend d'avantage à tisser des liens qui ammèneront la seconde saison, Vikings est une grosse surprise.
La révélation du show, c'est sans contestes George Blagden, vaguement aperçu dans Les Misérables mais dont le reste de la carrière se limite à une figuration dans La Colère des Titans - son personnage est le plus intéressant de la série, un prêtre enlevé de son monastère, poursuivi par sa propre religion et découvrant pourtant les coutumes, un peu comme nous, sauvages mais fascinantes des vikings. Sa relation avec l'ensembles des autres personnages est fascinante, ses tourments d'une grande intelligence, et sa place, notamment dans l'épisode huit où il occupe le premier rôle, dans le déroulement du scénario d'une force assez évocatrice des coup de punch de la série de Hirst.
Le choix de Travis Fimmel, marginal australien, pour Ragnar Lothbrock est aussi un grand cast : l'acteur, en apparence lors des premiers épisodes un peu plat, se complexifie épisodes par épisodes et passe du Conan de service au héros qui cache ses émotions et aux réflexions constantes (fin de l'épisode huit, again). Sa relation avec son frère est elle aussi très bien foutue et est un gros plus dont le cliff final de la saison tend à d'avantage explorer, d'autant plus qu'il y a de quoi faire. On saluera les performances importantes et réussies de Gabriel Byrne ou Clive Standen qui s'en sortent très très et complètent un casting de grande qualité, qui à défaut d'être aussi vaste que celui d'un Game of Thrones, a le mérite d'être cohérent, intense et proposant des performances dignes d'une présence aux prochains Emmy.
A l'image de son générique sur If I Had a Heart de Fever Ray, Vikings est une grosse surprise qui, si elle ne convainc pas dès ses premiers épisodes, monte en puissance jusqu'à la réussite du huitième épisode. Le final, intense mais pas mémorable, transite de belle façon vers une saison 2 qui sera sans doute encore plus destructrice... et réussie. Après Les Tudors, inégale mais sensuel, The Borgias, au pilote bien réussi mais à la suite moins sur qui reposait en grande partie sur François Arnaud, et Camelot, que je n'ai pas vu mais dont les piètres retours m'ont vite rebuté - Michael Hirst semble avoir trouvé sa grande série. Car ce Vikings n'est ni plus ni moins que l'une des trois meilleures nouveautés (avec Hannibal et House of Cards) de la saison 2012/2013. Rien que ça.
★★★★★★★☆☆☆
Saison 2
Vikings c'était l'agréable surprise de 2013. Si la nouvelle création de Michael Hirst commençait en douceur, elle se révélait bien meilleure que l'image de sous-Game of Thrones qu'on lui avait collé après les premiers trailers. On avait retenu de la première saison son sens aigu de l'approche de la religion (affrontement des mythes païens nordiques et de la religion catholique), un relatif respect pour la culture viking (à défaut d'être fidèle historiquement) et des batailles très bien chorégraphiées. On était donc en droit d'avoir des attentes importantes pour cette seconde salve des épisodes qui nous arrive en ce début 2014 sur History Channel.
Les premiers épisodes de cette deuxième saison étaient très prometteurs. Le rythme était beaucoup mieux géré qu'en première saison, les batailles impressionnantes, la bande-originale très réussie (voir même génialissime), et visuellement c'était magnifique. Pourtant Vikings va trop rapidement se heurter à un problème de taille : son scénario, même si très dynamique, n'est rien de moins qu'une resucée dans la construction de celui de la première saison (si on excepte le début et la fin, donc) : on fait des aller/retour entre l'Ouest et l'Est, on se bataille un peu des deux côtés mais ça n'avance globalement pas. Cela induit une triste constatation : au niveau du développement de l'intrigue et des personnages, la série aurait pu atteindre le stade où est l'en est en dix-neuf épisodes à la fin de la saison 2, en seulement cinq ou six. Le comble étant qu'il se passe plein de choses et qu'on ne s'ennuie que rarement devant Vikings, dont le sens de la narration est assez incroyable et parvient à rendre sans problème intéressantes les guerres de pouvoir et de conquête de ces valeureux guerriers du nord.
Techniquement, c'est irréprochable, et il est certain que prise à part, cette saison 2 aurait été une énorme claque, mais le problème c'est qu'elle passe après une saison 1 dont elle copie la construction. Et ce même si les antagonistes sont mieux gérés et bien plus intéressants. On regrettera aussi un George Bladgen (Athelstan) très sous-exploité alors qu'il se hissait sans problème comme le personnage le plus intéressant de l'an passé. Le casting, lui, à quelques exceptions près (Travis Fimmel, Linus Roache, George Blade), est une catastrophe : Alexander Ludwig (Bjorn adolescent) est insupportable et fade à souhait, Alyssa Sutherland et Katheryn Winnick sont tous deux agaçantes.
En conclusion, même si Vikings bénéfice de moyens indéniables et d'un potentiel toujours aussi énorme, cette saison 2 trébuche en ne prenant aucun risque dans sa manière de dérouler le récit. Comme si cette seconde saison était un remake déguisé de la première. On retiendra l'ambition visuelle du show et sa facilité à allier dialogues et combats épiques, mais on oubliera sa construction. Une relative déception, mais tout ceci reste plus que correct.
★★★★★★☆☆☆☆
Saison 3
Passionnant, le parcours créatif de Vikings l’est, parce Michael Hirst a très rapidement compris ce qui faisait le succès de sa série auprès des spectateurs. Sur les bases hésitantes d’une saison 1 prometteuse qui s’intéressait principalement au choc culturel et religieux des invasions nordiques, on avait alors attendu le développement en profondeur de ces thématiques complexes. Mais ce n’était pas du goût du public, et dès sa saison 2, Vikings a fait le choix du divertissement.
C’est dans le même temps triste et malin – car si on pouvait douter du succès de la facette anthropologue du show, son rythme soutenu est presque démagogue. Le virage avait déjà été effectué en 2014, mais la troisième saison de Vikings parachève le demi-tour : elle ne le cache à personne, ce sera désormais un soap médiéval avec de la baston. Qualité d’écriture au ras des pâquerettes, dialogues insipides, personnages clichés, acteurs mal dirigés et affreuse mise en scène ; la série de History Channel n’est définitivement pas une leçon de télévision, couplant des intrigues idiotes au possible à une certaine générosité dans la narration. On ne s’ennuie pas trop, mais c’est vrai qu’il y a de quoi avoir des regrets.
Vikings ne va tout simplement nulle part, évitant bêtement toutes les possibilités (qu’elle se laisse elle-même) d’approfondir ses thématiques fondatrices, préférant se baigner dans une peinture superficielle et paresseuse de cette histoire abracadabrante aux rebondissements usés qu’elle s’est décidé à nous raconter depuis désormais deux saisons. La finalité, où est-elle ? À part un nouvel antagoniste chaque année, qu’est-ce que Vikings nous apporte ?
L’impression de tourner en rond décuple à chaque épisode, avec tous les ans une production value améliorée, de meilleurs costumes, plus de figurants et une bande-originale toujours aussi stimulante. Alors que le quatrième acte comptera deux fois plus de chapitres, on est en droit de douter des ambitions de Hirst et de son équipe.
Une saison 3 en perte de souffle, qui arrive à faire illusion avec ses belles batailles et de l’ellipse à gogo. À force de vouloir s’accrocher à son public, Vikings a oublié l’essentiel : son motif. De l’historique pour de l’historique, surtout quand celui-ci est aussi approximatif, ça n’a aucun sens. Et le motif, pas celui des auteurs, mais celui du visionnage initial, semble lui aussi peu à peu accompagner le naufrage.
★★★★★☆☆☆☆☆