Le retour du scénariste David Simon dans les contrées de Baltimore a soulevé un énorme enthousiasme, d'autant plus qu'il revient pour adapter le récit-fleuve de Justin Fenton, un autre journaliste du Baltimore Sun. En plus de l'auteur Dwight Watkins, Simon partage la "writing room" avec Ed Burns, William F. Zorzi ou George Pelecanos, qui furent ses compagnons de voyage pendant toute l'aventure The Wire/Sur écoute (pour résumer, l'une des meilleures séries jamais produites). Puis tant qu'à faire, il ramène plusieurs têtes croisées sur le feuilleton arrêté en 2008 pour quelques rôles. Mais attendez un peu avant d'entonner les paroles de Way Down in the Hole
Il s'agit d'une mini-série en 6 épisodes, donc cela implique un récit plus recentré et il se focalise sur un vrai scandale ayant éclaboussé une unité d'élite de la BPD (Baltimore Police Department) en 2017. L'idée est bien évidemment de rembobiner la fresque judiciaire et revenir au point zéro pour empiler les évènements, regarder les accusés, écouter les témoins, croiser les faits. Ce qu'on remonte en réalité, ce sont les sources d'un échec perpétuel à établir une relation de confiance entre les forces de l'ordre (plutôt que gardiens de la paix) et les citoyens. Par extension, à expliquer le statu quo immoral permettant la perpétuation des inégalités sociale, du racisme, du trafic,...Aucun risque de se laisser aller à un sentiment de nostalgie mal placé puisque rien n'a changé en 20 ans. Aussi cruel soit le constat, l'exposé de cette triste réalité est tristement probant.
Faut-il y voir un pamphlet anti-flics ? Bien sûr que non, l'existence même du procès et à fortiori de ceux qui' l'ont rendu possible induit que le problème ne peut être limité à un slogan ACAB. L'évolution, c'est le degré de conscience des personnes mouillées jusqu'au cou dans l'affaire. Il suffit de les regarder justifier leurs actes, les assumer pour ce qu'ils sont jusqu'à plier la réalité à leurs propres perceptions. C'est sûr que la plupart ne sont pas aimables. Là où ça devient perturbant, c'est que plus on farfouille dans les archives, plus on mesure les dégâts sur d'autres agents plus intègres. Il est donc remarquable d'arriver à cerner un problème qui mine toute les infrastructures, de l'administration politique frileuse aux services publics. C'est le cas de We Own this City, parfaitement servi par le réalisateur Reinaldo Marcus Green (mise en scène ample) et l'entièreté de sa distribution. Pour autant, on est loin de tutoyer l'excellence de The Wire.
La démarche de mêler les strates temporelles est nouvelle chez David Simon et son équipe de scénaristes, qui privilégiait le récit choral mais linéaire pour ne pas perdre son spectateur. Cette nouvelle création sous l'égide HBO choisit au contraire d'exploser la narration et d'éparpiller ses personnages, ce qui joue parfois contre la série. Les bonds en avant ou en arrière se multipliant, on finit par questionner cette structure puisqu'un découpage moins désordonné aurait donné autant voire plus d'impact au discours. Deuxième conséquence : certains personnages ont à peine le temps d'exister (Hersl ou McDougal par exemple) puisqu'ils sont relégués ou absents de certains épisodes. Six épisodes c'est court, il aurait été préférable de condenser plutôt que de se disperser.