Après avoir fuité un EP contenant quelques inédits, c’est fin septembre qu’est sorti le troisième album de Bon Iver, 22, A Million et qui a déjà séduit pas mal de rédactions jusqu’à presque en faire l’unanimité.
Le groupe mené par Justin Vernon a l’habitude d’associer les saisons à ses chansons comme l’hiver pour le standard For Emma, Forever Ago (2007) ou encore le printemps pour leur deuxième album éponyme (2011), apportant un côté cyclique au fond de l’œuvre. Ici Bon Iver laisse de côté les arbres et la pluie pour se vouer aux machines électroniques déjà expérimentées dans les précédents albums.
L’album part dans tous les sens tout en gardant une harmonie cohérente. La pochette ainsi que les titres des morceaux nous évoquent l’informatique et sa richesse grammaticale tel que des symboles et des caractères nous rappelant des lignes de codes et ses chiffres aléatoires.
En tentant d’assumer sa maîtrise des machines, ce qui donne un certain charme aux morceaux, l’esthétique de l’album prend tout son sens (d’autant plus avec les « lyric videos » postées par le groupe sur Youtube).
Nous sommes d’abord accueillis avec 22 (OVER S∞∞N), mêlant poésie et saccades mécaniques, qui parvient à trouver son rythme et introduit parfaitement les neufs morceaux à venir.
Pourtant 10 d E A T h b R E a s T nous surprend dès la première seconde. Bon Iver a bel et bien changé, et quand il veut frapper fort, il le fait savoir: une nouvelle fois, les machines se mettent au service du rythme. Et ça marche !
715 – CRΣΣKS est mon p’tit coup de cœur, Justin Vernon s’isole avec son autotune qu’il connait déjà bien (je vous renvoie au titre Woods présent dans un des premiers EP du groupe Blood Blank sorti en 2009), évoquant – presque comme toujours – un problème relationnel avec un proche. Il y a une maîtrise harmonique parfaite dans le chant électronique digne d’un Hide and Seek de Imogen Heap (qui vous évoquera sans doute un plaisir coupable sorti en 2010). Après 33 “GOD” qui sera le single de promo de l’album, réunissant la plupart des idées intéressantes de l’album, on peut y trouver une balade country se cachant au milieu de ces expérimentations, 29 #Strafford APTS voulant nous ramener à la folk délicate des précédents morceaux du groupe. Ce n’est qu’après cette parenthèse agréable mais déroutante que l’album va prendre une tournure trébuchante: les morceaux restent bons, surtout le mélancolique 8 (circle) qui a tout d’un tube, mais pas moyen de retrouver le fil conducteur qui avait pourtant été très lisse jusqu’à maintenant.
En bon connaisseur du groupe, je me suis bien retrouvé dans 22, A Million qui, comme les autres albums, est déroutant à la première écoute pour ensuite révéler un à un chacun de ses morceaux et nous toucher là où on ne s’y attendait pas, à savoir par cette maladresse, cette non-maîtrise des machines qui nous rappelle la fragilité du standard For Emma Forever Ago. Que vous soyez familier ou non de la musique de Bon Iver, vous serez touché par ce petit quelque chose qui rendra ce moment d’écoute nostalgique et délicat (la voix de Vernon y est pour quelque chose, faut pas chercher ailleurs).
À écouter seul donc, quand il pleut dehors, une après-midi d’automne: oui, Bon Iver a eu le temps de virer au cliché, mais il sait toujours se renouveler et nous surprendre à chaque écoute.
https://loeildelamanigance.wordpress.com/2016/10/19/22-a-million-le-nouveau-bon-iver/