Lazare est un bras d'honneur à tous ceux qui rêvent de la dématérialisation complète de la musique. Car le duo français, pourvoyeur d'une musique nocturne et ultra synthétique, utilise au mieux le support visuel pour créer, avant même l'écoute de leur musique, une ambiance forte, prégnante, qui invite tous les sens à se mobiliser.
Ces femmes nues, on veut les toucher; ce lieu magique, sorte de Paradis décomposé (Lazare, titre superbe et terriblement évocateur n'a certainement pas été choisi par hasard), on veut le sentir, le voir. On veut, finalement, dès le départ, goûter ce que ressent cette famille bizarrement mixte, où le père est absent, où les enfants sont libres dès qu'ils ont l'âge de marcher.
Enfin on veut entendre. Et bien sûr, on est surpris par les notes que mettent les Principles Of Geometry sur ce cadre fabuleux. Heureusement, pas de casse-tête mathématique à l'horizon, l'électronique du duo reste abordable, même si elle ne fait aucune concession. Ainsi, immédiatement enjôleuses, les mélodies glissent pourtant rapidement entre les doigts, et on se laisse ensuite plus porter par une atmosphère ou des textures sonores que par leur structure même.
Tour à tour violentes ("Titan", "Interstate Highway System", "Prophet") tendues ("Napoleon", "Golem", "Corvo Sulla Città") ou élégiaques ("Matin", "Shaberhill", "Charles & Ray" ou "Messiah") les morceaux restent définitivement ancrés dans les années 80, ses sons analogiques et ses basses acides.
Quelques voix s'invitent, dont celle de Sébastien Tellier au vocoder, de Vast Aire et de Hangar 18 (rappeurs américains)... Elles contribuent au côté résolument étrange de l'entreprise, dont on ne saurait dire si elle est plus proche de la pop, de l'électronique ou de l'expérimentation. Au final, la musique de Lazare est à l'image ce cette fameuse forêt, coeur de ce deuxième album des Principles Of Geometry: foisonnante, inquiétante, charnelle et bienfaisante.