À l'image de la pochette et de ce pauvre chien à trois pattes (qui est apparemment inspiré d'un vrai chien tripode qu'aurait rencontré Sean Kinney dans son enfance, terrifiant celui-ci, mais si le canidé avait vraiment la même mine, il y aurait plus eu de quoi avoir de la pitié et vouloir le prendre sous son aile plutôt que d'en avoir peur, le cabot semble plus malade et réclamer de l'aide qu'autre chose, d'ailleurs ça me faisait penser à quelqu'un, quelqu'un qui sera dans son futur groupe), ce troisième (et en ce qui me concerne, dernier) opus du groupe, ne respire pas la joie (non pas que tout ce qui a précédé le faisait, mais on franchit clairement un cap ici, la part de beauté dont pouvait se doter la musique du groupe jusqu'alors a presque totalement disparu, et il semble évident à son écoute que quelque chose se tramait en coulisses...), ne ressemble pas à ses semblables, et dégage un certain malaise, mais saura marquer et même toucher par sa singularité.
Non, ce n'est assurément pas Facelift, ce n'est pas Dirt, encore moins Sap ou Jar of Flies (bien que quelques mouches semblent s'être échappées du bocal et avoir été gobées par le chien, en témoignent les passages acoustiques alors inédits dans un LP du groupe, bien qu'ils cohabitent avec les habituelles guitares électriques régnant en maître sur les albums, et, oui, je suis fier de cette métaphore), c'est du Alice in Chains qui n'a jamais été si malsain et sombre, et c'est pour ça qu'on l'aime !
Oui, cet album est « fucked up » comme on dit aux USA des États-Unis d'Amérique (je ne trouve pas de terme français suffisamment fort, alors que je place un anglicisme, excuse me), sonne comme « maudit » (en témoignent les quelques influences doom metal voire sludge metal), « hanté » par quelque chose, Layne n'a jamais eu un chant aussi désagréable ni même le moindre chant trafiqué, et les guitares de Jerry Cantrell sonnent mieux que ça d'habitude, Sean Kinney n'est pas aussi « vénère » que ça sur sa batterie habituellement (mais heureusement qu'il l'a fait car il rayonne vraiment ici) et ce sont ces éléments là qui en font quelque chose d'unique et de dérangeant (les scènes sludge et doom ont sûrement connu des groupes faisant passer cet opus pour du soft rock inoffensif, de quoi renvoyer le clébard atrophié à la niche, et puis comme je l'ai dit, la musique du groupe n'a jamais donné envie de s'enjailler en boîte de nuit, mais quand même, je persiste à penser que la façon de sonner qu'a l'opus est inhabituelle et avait de quoi surprendre la fanbase du groupe à sa sortie).
Et la forme (l'ambiance plombée et plombante) n'a pas pris le pas sur le fond, le groupe sait toujours écrire des chansons qui vont quelque part et ne se sert pas de ce nouveau son pour cacher une panne d'inspiration, même si l'opus a ses quelques moments qui traînent en longueur :
- Elle n'empêche pas l'opus d'être excellent, mais je dois dire que je ne courre pas forcément après Over Now, qui n'a que son intro et le fait d'avoir été un temps la toute dernière chanson du groupe pour se démarquer,
- Grind a facilement une minute en trop en choisissant de répéter son riff (diablement efficace il est vrai) et son refrain (une des seuls belles choses qu'on pourra entendre dans ce foutu album) une troisième fois,
- Head Creeps a un deuxième refrain qui est deux fois trop long, s'handicapant d'une bonne trentaine de secondes.
J'épargne Heaven Beside You, qui semble aussi balancer son refrain une fois de trop, mais des modifications sont ajoutés aux paroles à chaque fois, pour moi, ça passe, ainsi que la délirante Nothin' Song (que j'estime être comme le seul moment de relâche de cette atmosphère étouffante, c'est autre chose que Frogs qui vient juste derrière quand même vous avouerez), qui, à l'image de son thème (la panne d'inspiration et la fainéantise dans laquelle Staley s'est plongé suite à la drogue), semble déconner à répéter les mêmes 2-3 lignes plusieurs fois à chaque couplet, mais ça me semble pour mieux libérer et faire exploser ce refrain, pis juste, on y touche pas quoi.