Après dix ans d’absence, Godspeed You ! Black Emperor est de retour et reprend aussi sec sa place de patron d’un post-rock épique et furieux. Une oeuvre Dantesque
Avec GY!BE, le label Constellation n'aura jamais aussi bien porté son nom : après Yanki U.X.O en 2002, chaque particule du collectif Montréalais s'éparpilla dans une multitude de projets satéllites : A Silver Mt. Zion, Set Fire to Flames, Exhaust, et HRSTA. Mais la reformation eut finalement lieu, d'abord sur scène en 2010, le groupe proposant alors de nouveaux morceaux, et aujourd'hui en 2012 sur un nouvel album, discret quant à sa sortie et retentissant quant à son écoute.
Que fallait-il pour que GY!BE sorte de sa réserve ? Le plaisir de rejouer ensemble sans doute mais aussi un contexte politique leur donnant envie de reprendre la parole. J'emploie ce mot"parole" à dessein un peu paradoxalement car le groupe pratique toujours une musique 100% instrumentale. Mais GY!BE, par le choix de ses titres, influence l'auditeur dans la perception qu'il aura de sa musique ; comme un artiste choisissant précisément un nom signifiant pour, une toile abstraite. C'est le cas de Strung like lights at thee Printemps erable évoquant les évènements qui ont sécoué, comme jamais auparavant, le Québec , ;, c'est le cas aussi de Their Helicopters sing qui donne une explication dramatique, et une ambiance sonore de guerre, aux, drones musicaux, mis en branle par le groupe. Certains pourront penser que, c'est donné beaucoup de sens, (et donc de crédit) aux deux titres ambiants, du disque ;, que je tombe dans la"masturbation intellectuelle" vis à vis d'une musique-miroir. Peut-être...Mais GY!BE doit aussi s'appréhender, ainsi, dans, cette sensibilité proche de l'art contemporain (d'ailleurs Steve Reich, n'est-il pas une de leur référence majeure ?), avec une, musique, semant le doute chez l'auditeur et l'invitant, à une réflexion personnelle. Musicalement que penser de ces drones (de guitares et violons...le groupe restant fidèle à lui-même en n'utilisant aucun clavier) qui se transforment en sonorités arabisantes ou de ces batteries devenant in fine des percussions ethniques ? Si ce n'est que le groupe fait un rapprochement musical et politique entre les évènements survenus au Canada et dans les Pays Arabes ("printemps érable" ,"printemps arabe") ; comme une double expression populaire face à l'ordre établi.
, Outre ces deux morceaux ambiant, Alleluyah! Don't bend! Ascend! se compose, surtout de, deux titres forts, de 20' chacun. Le premier Mladic (du nom de Général Mladic,, tortonnaire dans la Guerre en Bosnie...pour un autre télescopage sémantique ?) a des allures de "je remets les pendules à l'heure, j'asseois mon autorité et prends ça dans ta gueule". Un grondement perpétuel, des violons qui se, titillent, des guitares qui grossissent, grossissent jusqu'à vous faire ressentir, un bout d'Apocalypse., En un morceau, GY!BE, recouvre d'une lave en fusion toutes, les récentes tentatives, (de Mono à Mogwai) d'un post-rock hénaurme, épique, et sanglant. Led Zeppelin, , n'est pas loin (rapprochement lu ça et là ) , mais le collectif Canadien les dépasse de beaucoup en force et en intensité mais aussi par l'écoute répétée de Steve Reich.
L'autre titre est finalement encore meilleur et plus fort dans sa subtilité et la multitude des ambiances qu'il dessine. We drift like a worried fire est le chef d'oeuvre de l'album : tout ce que le post-rock peut apporter de meilleur est là . Beau dans ses détails, ample et majestueux dans son ensemble,, tourmenté dans son final au son d'une rythmique martiale et de cordes effrayantes. La musique orchestrale proposée par GY!BE possède ce pouvoir d'élévation et d'abime émotionnelle qui fait les grands morceaux. Les Canadiens sont de retour : Alleluyah !