An Awesome Wave par ClémentJamesLer
Quatre anglais de Leeds, voici Alt-J (ou ∆, pour les puristes), un nom tout droit sorti de l’univers macintosh. Ils sont parvenus à se faufiler parmi l’habituelle affluence de la rentrée et à accoucher d’un album tortueux, d’une beauté bouleversant une heure durant les lois gravitationnelles. Newton n’a qu’à bien se tenir.
C’est tout d’abord sous le nom de Films qu’ils se sont produits mais, la confusion avec un étrange groupe de punk et l’absence de de notoriété aidant, il fallut trouver quelque chose de plus claquant, qui intrigue et tape à l’oeil. C’est ainsi que naquit ∆, se prononçant Alt-J (c’est le symbole qui apparaît quand on a la classe avec son mac et qu’on appuie simultanément sur ces deux touches).
An Awesome Wave (Une Vague Impressionnante), citation tirée d’American Psycho de Breat Eston Ellis, est leur premier album. Et il faut avouer que l’on s’imprègne très vite de l’univers du jeune groupe de Leeds, qui distille une pop cotoneuse et qui nous surprend sans cesse. Ce n’est pas l’utilisation du très à la mode triangle qui confère son pouvoir au groupe, mais plutôt la prouesse de chatouiller la scène indie-pop-rock d’une autre plume que Foster The People et ses nombreuses déclinaisons.
Joe Newman chante excessivement bien mais son timbre ne plaira à coup sûr pas à tout le monde. Personnellement, ce fut une claque immédiate. Ses envolées touchent davantage l’esprit que le corps. La mélodie décrit des formes arrondies, poussée telle un surfeur sur les vagues. Pas de fioritures, de surfait. Tout est calculé, polissé, et jamais ne tombe dans l’excès. Entre pop, rock, folk, hip-hop ainsi que quelques incursions électro, le quator déploie un habile mélange de timbres d’une singulière délicatesse.
Trois interludes superfétatoires et quelques titres légèrement en-dessous ne parviennent pas à briser la dynamique de cet album. L’intro d’à peine trois minutes donne le ton et frappe la première avec sa voix électronique endiablée. Il faudra un premier Interlude a capella pour reprendre du souffle et se laisser saisir la main par un très charnel Tessellate. Puis vient Breezeblocks, le titre le plus tout public du groupe, aussi premier single du présent album. Avec son jeu d’harmonie vocales intenses, la voix de Joe nous caresse et nous effleure.
Parmi ces décompositions pleines de fractures, toujours savamment maitrisées, se hissent des titres prometteurs que l’on risque d’entendre ça et là d’ici peu. Entre Dissolve Me et ses claviers étourdissants, Bloodfood et son apparente douceur qui progresse et devient inquiétante, et Flitzpleasure où s’allient à une pesanteur électro de subtiles arrangements doux et complexes, le quator ne nous laisse pas en reste.
L’exotique et dépaysant Taro conclue brillamment cet album, du haut de ses petites notes celtes qui se noient dans la voix de Joe. Après avoir donc troqué son titre pour une appellation plus simpliste, Alt-J est la preuve vivante que les raccourcis ne sont pas toujours une mauvaise chose. Alors vous aussi, partez surfer sur cette magnifique vague.