La transition du groupe
Animals est l'instant où Roger Waters prends complètement le contrôle artistique de Pink Floyd, ce qui continuera jusqu'à son départ du groupe. Gilmour participe encore activement à la composition mais son rôle est réduit, malgré qu'il ait, selon ses dires, quasi entièrement composé le morceau "Dogs", Waters ayant uniquement écrit les paroles. En revanche, c'est la fin pour l'implication de Mason et Wright (même si ce dernier compose l'introduction de "Sheep", il ne sera pas du tout crédité) et c'est notamment le début des mésententes au sein du groupe, Waters cherchant à absolument tout contrôler dans le studio, et touchant notamment plus d'argent sur ses compositions que Gilmour (Waters est crédité sur les 5 chansons, Gilmour uniquement sur "Dogs", ce qui sera source de tensions). La relation entre Wright et Waters se déteriore, ce qui annonce le renvoi du pianiste pendant les futures sessions de The Wall.
Un concept album plus engagé et plus intéressant que les précédents
Ce que j'adore avec cet album, c'est la simplicité de son concept, qui permet plusieurs niveaux de lecture et d'interprétation. En effet, dans The Wall par exemple, la place à l'imagination est forcément réduite car la narration est très détaillée, par un nombre important de chansons et des paroles descriptives. Ici, uniquement quatre chansons, dont une divisée en deux pour encadrer l'album. Il semble qu'on suive "l'histoire" d'un des "chiens", laquais des "cochons", mais fatigué et cherchant à se libérer de leur oppression. Les chiens sont des serviteurs qui martyrisent les "moutons", le peuple commun, et utilisent tout les moyens possibles pour grimper les échelons et arriver au niveau de ces fameux cochons. A la fin du récit, les moutons se révoltent et exterminent les chiens, devenant à leur tour, d'une certaine manière, ceux qui les oppressaient. Le narrateur, l'un des derniers survivants des chiens, s'enfuit avec sa chère et tendre pour échapper à ce monde difficile. Est-ce l'histoire que Waters cherche à raconter ? Je ne sais pas, mais c'est ainsi que je l'interprète, et c'est ce que j'aime imaginer lorsque j'écoute Animals. Evidemment il y a aussi un sens social et politique, particulièrement sur les paroles agressives de "Pigs", mais cet aspect là du disque m'intéresse moins.
Un tourbillon d'émotion musicale
Musicalement, Pink Floyd continue sur sa lancée avec un disque au son parfait, à l'instrumentation poussée à son maximum. "Dogs" et "Sheep" sont les points forts de l'album, avec "Pigs" légèrement en dessous mais sauvée par son introduction (la ligne de basse jouée par Gilmour est dé-li-cieuse !). Comme à son habitude, le groupe parvient surtout à retranscrire une ambiance dans ces longs morceaux, mais de manière beaucoup plus réussie que dans "Echoes", où la partie inquiétante était surtout franchement désagréable à l'écoute. Mais Animals, n'est pas juste beau, Animals est sombre. Les paroles sont les plus glauques de la carrière du groupe, on entends des cris d'animaux tout au long du disque, la guitare de Gilmour n'a jamais semblé si inquiétante et lacérante... Et c'est ce qui rends les rares moments de lumière encore plus beaux. Que ce soit le SOMPTUEUX solo répété de "Dogs", la douceur inattendue de "Pigs on the Wing" ou la fantastique envolée de guitares à la fin de "Sheep", ce sont ces moments qui font le génie de l'album, lorsque l'espoir semble surgir des ténèbres, et c'est cette beauté qui fait que, selon moi, Animals est supérieur à son successeur, The Wall.