De façon générale très éclectique, je me suis détourné progressivement du rap français, préférant trouver refuge dans mes valeurs sures, le rap des grands frères comme je l'appelle. Les vaines batailles d'égotrips phrasées mollement sur des productions minimalistes percluses d'auto-tune m'indiffèrent au mieux, cédant de plus en plus de place pour les artistes américains.
Pour être tout à fait franc, je ne connaissais pas Lomepal et encore moins son univers. Je ne serai donc certainement pas le plus qualifié pour produire une quelconque analyse sur une vraisemblable évolution de la carrière du rappeur. Je n'avais d'ailleurs même pas subi la quelconque influence d'un battage médiatique ou l'effervescence qu'ait pu produire la sortie de FLIP.
Sans aucun a priori, j'ai jeté une oreille dans cet album étonnant. Puis deux. Puis FLIP est devenu mon album de chevet de la fin d'année 2017.
Représentant d'une génération transitionnelle animée par un mal-être incurable, Lomepal crache au micro son incompréhension des rouages d'une société impitoyable, atténuant les symptômes en se désinhibant avec tout ce qui est à sa portée.
Quand consumérisme auto-destructeur, sexualité débridée et hédonisme deviennent des pulsions vitales, un radeau d'infortune pour surnager dans un océan de misère sociale et d'hypocrisie, le narcissisme devient le piètre bouclier d'un personnage décadent.
Sous le vernis craquelé d'une autosuffisance grotesque, Lomepal expose la gravité de ce qui le définit avec une légèreté irritante, et une certaine virtuosité pour brouiller la frontière entre réalité et mythomanie salvatrice.
Désemparé, il met le doigt sur nos malaises et nos contradictions avec une simplicité désarmante. FLIP ressemble à cette longue journée qui succède à une soirée beaucoup trop arrosée. Quand les substances disparaissent, l'amnésie se dissipe et nos démons resurgissent, dans un vertige douloureux. Alors on remet ça.