Le fils de Steven Segall à la baguette arrive quand même à vous mettre des claques derrière la tête
Nous sommes en l'an de grâce MMXIII, Jésus n'est toujours pas venu faire coucou pour le millénaire, certains prédisent des apocalypses dans des calendriers incas ou des foies de volaille, d'autres disent que le rock est mort et enterré depuis qu'AC/DC et les Stones ont dépassé leurs vingt-sept ans. C'est le merdier les petits gars.
Seulement, force est de constater qu'en entamant ce nouveau millénaire placé sous les signes de la crise et des catastrophes climatiques, une petite région peuplée d'irréductibles sauvageons résiste encore et toujours aux envahisseurs niaiseux de pop dégoulinante survivant de cash machines, twerk et autotune dans lesquels ils se complaisent et se reproduisent perpétuant ainsi leurs cycles merdiques qu'ils respirent avec une satisfaction toute pieuse. Nous sommes en 2013 mes aïeux, cela se passe de l'autre côté d'un océan Atlantique. Là où l'on parle espagnol et encore un peu anglais, dans les terres les plus reculées. Là où l'oncle Sam et le père noël sirrotent un Coca Cola, en écoutant un bon vieux ZZ Top du fond des charts. Là, où des p'tits jeunes comme vous et moi ont brandi leur arme et saisi leur chance: l'Amérique les enfants.
J'ai découvert Ty Segall en 2010 avec la sortie de Melted et de sa pochette qui horrifiait ma copine de l'époque. Il fallait être sot pour espérer vendre quelque disque que ce soit avec cette photo horrible. Mais c'était l'esprit: joue autant qu't'es con. Je ne sais plus si c'est par boulimie d'un autre groupe qui sévissait dans les mêmes eaux (Harlem, Ô bien aimé..) que je suis tombé sur ce lutin de Segall toujours est-il que ça a été un choc tout comme Harlem avait pu l'être et tombaient de ma bouche ces quelques mots: "le rock n'est pas mort". Avec les vagues Revival et Garage menées par les Libertines, les Vines, les Strokes, les White Stripes et consorts, certains se posaient sérieusement la question. Il est vrai que ça tortillait encore un peu du cul, ça popait, ça et là on voyait des marées de fans hystériques jouant des pieds et des mains pour caresser le regard noyé du frontman, alors oui, c'était reparti pour un tour mais de Garage on ne parlait point encore. Il aura fallu attendre 2008 pour que d'un côté et de l'autre à SF et LA ainsi qu'à Austin (Texas) où s'invitent chaque année des centaines de groupes pour le South By SouthWest (SXSW, l'un des plus grands festivals de rock) pour que s'échouent sur nos plages les premières perles du Garage, à l'américaine, comme il l'avait été, à l'origine lors de sa naissance historique. Dès lors, fleurit une scène juvénile et enragée, prête à en découdre avec le reste du monde. Ressortant le support et la production de vinyls à Papa des caves, faisant circuler les cassettes de petits labels crapuleux sous le manteau, rapidement, tout cela prit de l'ampleur même s'il est très intéressant de noter -avant d'embrayer sur le sujet qui nous rassemble aujourd'hui- qu'aucune dérive vers le système "mainstream et commercial" n'a eu lieu à l'heure qu'il est. Et pour cause, ce qui nous tombe au creux de l'oreille, c'est du brut de décoffrage, du vrai, du sans concession les jeunes!
Ty Segall est l'enfant prodige de ce mouvement Garage étasunien. Il est de la race rare qui quoiqu'il vienne toucher du bout du museau, cela en devient instantanément de l'or. Prolifique (un à deux albums par an le gamin), on l'a vu en solo, en groupe (Epsilons, Ty Segall Band), en duo (avec Mikal Cronin ou White Fence -des autres zozos du même parti), il est sur tous les fronts, à l'acoustique, à l'électrique, il bidouille, il compose, il produit: bref il ne s'arrête pas. 2013 est pourtant une année difficile pour le gamin. Le décès de son paternel, des relations houleuses avec les poules, un album acoustique qui même s'il vient rafler les louanges de la presse spécialisée ne percute pas autant que les précédents après le succès des électriques Twins et Slaughterhouse placés sous l'étoile de la saturation toute puissante; tout ce mélimélo nous conduit pourtant à l'album de l'année. Faisant appel à deux p'tits camarades pour l'épauler, sous le nom de l'effet qu'il adule par dessus tout, naît le nouveau power trio des années 10. A la guitare, ex frontman de Moonhearts (malgré un album tout à fait convaincant), Charlie Moothart laisse tomber Mikal Cronin parti en échappée solitaire (qui lui aussi fait son petit bonhomme de chemin), à la basse Roland Casio, qui ressort du chapeau de Ty après son aventure avec Epsilons (un des premiers groupes du monsieur quand il n'était encore qu'un teenager) et il revient derrière ses fûts, au chant tel un Phil Collins, le grand, l'inarrétable Cigale (il fallait la faire à un moment ou un autre, nous en conviendrons). Cela démarre comme du Earth mais ça finit plus comme du Hawkwind, ça casse la baraque, des riffs en veux-tu en voilà, ça tambourine, martèle, ça crunch, crache, ça larsen, ça vient de tous les côtés, on ne sait plus où donner de la tête, on a envie de bondir dans notre pogo esseulé. C'est sale, y'a des solos de malade mental, on sent la patte de ce génie de Segall pendant les trentes minutes (seulement oui..) de plaisir intense qu'il nous offre gracieusement -merci de votre bonté Maitre. On s'en prend plein la gueule, on jubile pendant les accalmies, on aimerait que ça dure une éternité, C'est du live, du vécu, ça suinte et ça transpire. Ce disque est jouissif et ce gamin fabuleux.
En somme, voilà ce qui vous attend, un disque qu'on ne peut que recommander, les amateurs du genre le connaissent vraisemblablement déjà puisqu'ils se sont rués dessus dès qu'ils ont vu apparaitre le patronyme du loustique et pour les autres, vous avez une paire d'oreilles à dévirginiser. Des bisous, prenez soin de vous et du Rock n' Roll.