Je commençais à avoir fait le tour du Klub des loosers dont je connais toutes les chansons de la Fin de l'espèce par coeur (album qui a marqué mon entrée dans le monde du hip-hop), et c'est au moment où on l'attend le moins que Fuzati débarque avec ses grosses punchlines. 23 avril, un matin tranquille, les vacances, le soleil et un message que je m'empresse de lire. Un lien youtube, une vidéo de Fuzati et Orgasmic : Sinok (oui, une référence aux Goonies, choco etc...). L'excitation est à son comble. Et là... STUPEFACTION ! C'est quoi cette instru ? Ces basses et ces paroles de bonhomme ("J'veux être sympa, t'filer dix keus comme ça t'iras niquer ta mère" ou bien "Le monde est grand, ça pue la schnek, celle que tu n'baises pas")... Comme l'impression d'avoir affaire à Booba avec la voix de Fuzati (ce dernier n'a d'ailleurs jamais caché son admiration pour le premier, et faut le voir dans le clip aussi, bouger les bras comme un gorille au milieu des danseuses classiques). Manquait plus que l'auto-tune dégueulasse...
Ami lecteur, je dois t'avouer que cet événement fut difficile. Où sont les samples magistraux ? Où sont les paroles de la Fin de l'espèce ? Je me suis senti souillé, comme si Sefyu, Booba, La Fouine, et Rohff, tous cachés derrière le masque de Fuzati, m'avaient gang-bangué dans une cave versaillaise (ça a un côté un peu Eyes Wide Shut mais filmé à l'iphone dégueulasse). Trêve de traumatisme ; cette figure de style pour signifier comme un sentiment de trahison. Heureusement, cela ne dura pas bien longtemps. Ma persistance porta vite ses fruits. Plusieurs écoutes furent nécessaires pour éloigner ce sentiment inconfortable. Avec l'habitude, je me mis à adorer le morceau Sinok, je l'écoute depuis en boucle, savourant ce côté cru, dépouillé et dépouillant. Le trip est un peu différent de la Fin de l'espèce, certes, mais tout aussi défoulant.
Alors une angoisse subsistait : Peut-être que je pourrais écouter du Booba et aimer ? Je te rassure tout de suite, ami lecteur, la réponse est : NON. Pour la simple et bonne raison que ma première écoute m'entraîna vers des jugements hâtifs dus à mon absence de repères. Cet album, plus incisif et direct que ceux du Klub, reste quand même relativement intelligent, bien produit. Les punchlines bien hardcore sont finalement bienvenues, cohérentes par rapport à un ensemble. On est amusé mais pas aussi bluffé par la subtilité déconcertante des paroles qu'autrefois. Les instrus sont pas trop mal, sans pour autant toucher au génie.
Mon erreur fut d'avoir eu trop d'attente par rapport à ce que j'avais entendu du Klub auparavant. OUI, il faut que je me le répète : CE N'EST PAS UN ALBUM DU KLUB (même si Fuzati est presque égal au Klub). Et oui, cet album ne touche pas la cheville dudit groupe, mais il est à prendre pour ce qu'il est : une démonstration verbale alléchante couplée à des instrus pas trop dégueu. Il faut l'écouter, le réécouter et l'écouter encore, pour faire siennes des chansons à prime abord déconcertantes. Pas de jouissance instantanée, mais une récompense sur l’endurance. Il n'y a pas de morceau vraiment très catchy comme dans la Fin de l'espèce qui enchaîne tube sur tube (ah tiens, je compare encore !), mais des moments forts sont disséminés ci et là au fil de cet album.
C'est vraiment sympa quand on tend bien l'oreille, mais, cependant, j'attends toujours comme une révélation, le prochain album du Klub. Allez, ami lecteur, je vais faire un tour en caisse histoire de mettre Sinok à fond et jouer mon caïd dans le quartier.
PS : Pour ne pas être à une déception prêt, sache, lecteur, que ce soit-disant paumé, rebelle et looser de Fuzati alias Romain Goehrs bosse - du moins jusqu'à l'année dernière d'après mes recherches - dans l'agence de com BDDP et Fils, en témoigne la SACEM qui nous révèle librement son identité (quelle enflure ce gars quand même ! Mais bon, je l'admire quand même stockholmoisement parlant)