London Calling
7.9
London Calling

Album de The Clash (1979)

A dire vrai, cet album a plus du parfait chef-d'oeuvre rock bien dans l'air du temps « ska punk » de la fin des années 1970 typiquement anglaises que du véritable manifeste punk avec tout ce que les représentations collectives de ce style musical supposent de guitares saturées hardcore, de sueur, de rage et de fureur.
On peut même aller plus loin, et dire que les Clash ne sont pas un groupe de punk mais un groupe de rock. Même s'ils sont identifiés comme tels, même s'ils sont, avec les Sex Pistols, Ramones, Dead Boys, Damned, Stranglers, parmi les précurseurs du genre punk-rock dans son acception moderne, le fait que les membres du groupe soient des musiciens à part entière (ce qui contredit le fait qu'ils soient punk puisque "l'homme punk" à ses débuts ne savait faire que deux ou trois accords de guitare), le fait qu'ils sachent jouer, à la différence de biens des pseudos-musiciens comme Sid Vicious, ne peut faire d'eux des vrais punks. Alors d'accord, ils ont tout des vrais punks, ils en ont le ton, l'allure vestimentaire, le timbre, la colère, le style, le son effronté, ils en ont la fureur, la seule couverture de disque de leur album éponyme de 1977 définit le genre (Strummer, Jones et Simmonon, l'air méchant, méprisant, les cheveux taillés au sécateur...), mais cette ouverture à tous les genres musicaux que comportent cet album ne peuvent se réduire à la simple appelation de « punk », qui semble ici terriblement rédhibitoire.


Alors Fuck off les puristes, les mécontents, les ignorants qui hurlent avant de se renseigner sur le sujet, nevermind the bollocks et shit les détracteurs, je placerai toujours les Clash une bonne tête au-dessus des autres « keupons », tout simplement parce qu'ils ont pondu ce chef-d'oeuvre intemporel qu'est *London Calling*. 
Et comme tous les chefs-d'oeuvre, ça commence en fanfare. Mais une fanfare extraordinaire, belle, charismatique, faite de riffs et de cuivres jubilatoires, pas une section brinquebalante faite de caisses claires, de cuivres stridents inaudibles et horripilants. Pas de secrets, de mystères, pas de fioritures, pas d'artifices. Juste un groupe, en place, posé, carré, solide, avec des micros bien placés, et une parfaite production, qui de surcroît n'a pas vieilli. Pas besoin d'une deuxième écoute (*comme dans le cas de « Pet Sounds »*), pour comprendre la portée de l'oeuvre, on sait tout de suite ce qu'on a entre les mains, et surtout les oreilles, dès l'ouverture : le morceau-titre apparaît tout de suite comme un tube, avec ce riff intelligemment construit, saccadé, légèrement étouffé, un tantinet funky, immédiatement identifiable, et en ce sens très « pop ». Sur ce *London Calling* d'un autre temps, universel, la voix de Joe Strummer, gouailleuse et maléfique, reconnaissable entre milles, fait mouche.
Suit un « *Brand New Cadillac* » qui dépote. Eraillé, rauque, strident, à la fois punk et rock'n roll. Et son solo enlevé, heavy, saturé (*personnellement j'ai toujours préféré cette version, plus explosive, à l'originale de Vince Taylor*). L'un des meilleurs morceaux de l'album. Puis c'est le 180° degré, avec un « *Jimmy Jazz* » séduisant, jazzy (sans déc), avec un groove irrésistible, que les solos de guitare et de saxophone viennent renforcer de toute leur splendeur, leur puissance de suggestion.

Trois morceaux, et paf, dans le mille déjà. Mais je mentirai si je disais que j'ai aimé tout de suite. Aujourd'hui oui, en 2004 c'était une autre histoire. Pourtant, j'ignorais que j'avais de l'or dans les mains (la réédition des 25 ans de l'album avec bonus que je conseillerai à n'importe qui maintenant), et après plusieurs écoutes, ai préféré vendre pour trois clous ce délicieux coffret à mon vendeur de disques d'occasion. Et maintenant je m'en mords les doigts.


« Revolution Rock » a tout du parfait petit reggae, que le punk moyen adore, comme on le sait tous, mais comme beaucoup l'ignorent. Et il faut reconnaître encore une fois à Joe sa magnifique voix, son chant très juste, inimitable, fait de révolte, de reggae, de punk, d'argot, d'accent anglais épais, de bric et de clope. C'est juste beau, il n'y a rien à ajouter. D'habitude je n'aime pas le reggae, je trouve ça chiant, trop lent, pas assez sexy, mais bon sang ce foutu Joe, le temps d'un titre seulement, m'aura fait changer mon fusil d'épaule, mouiller ma chemise, et retourner ma veste.


« Spanish Bombs », « Lost In The Supermarket » et « Clampdown » sont autant de titres qui font l'excellence de l'album. Débordants d'une énergie positive irrésistible, emplis de cet âme punk jusqu'au bout des textes, ces morceaux sont la quintessence de ce que des anglais, en phase avec leur temps, dénonçant la politique de fond de tiroir de leur pays qu'ils enterraient à travers leurs paroles et la fureur de leur son, étaient capables de faire en étant au firmament de leur art.


L'album regorge de perles toutes plus indépassables les unes que les autres, toutes enrichies de belles surprises musicales démontrant l'incroyable productivité des sessions de studios (*«Jimmy Jazz » et « The Right Profile » sont tous deux dotés d'un petit solo groovy de saxophone*). Et une fois entendu le solo de guitare de « Lost In The Supermarket », et cet art du groove qu'a Mick Jones d'accompagner la fin du morceau par ces petites notes, réminiscences de l'air du morceau, axées, bien évidemment, sur le rythme de batterie de Topper Headon, on est en droit de penser qu'on a tout entendu. C'est sans compter sur « Guns Of Brixton »... Ce morceau fait partie des grands, de ceux qui sont suspendus, en dehors de leur temps, déphasés, universels. Batterie parfaite, ligne de basse inoubliable, guitare reggae, funky. La voix de Simonon, grave, fataliste, fait froid dans le dos. Les choeurs masculins, implorants, désespérants de défaite, comme s'ils chantaient la perte d'un être cher, sont en adéquation parfaite avec la « personnalité » du morceau. La guitare de Jones est impeccable : distorsion au vibrato, qui sonne comme une cicatrice, une blessure irréversible. Et ces paroles... :« (…) With your hands on your head, or on the trigger of your gun ».


Les Clash ont atteint le meilleur avec ce disque, le plus haut degré que l'on est en droit d'attendre d'un groupe de rock : perfection des paroles, du son, souffrances et haines pures s'exorcisant par le prisme et la magie du rock'n roll, richesse de trouvailles musicales toutes plus géniales les unes que les autres, musiciens allant tous dans la même direction, cohérence, solidité, universalisme intemporel. Bravo les gars, ...il n'y a rien d'autre à dire : « Bravo ».  
ErrolGardner
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les plus belles pochettes d'albums et Les meilleurs albums de punk rock

Créée

le 10 janv. 2016

Critique lue 756 fois

10 j'aime

3 commentaires

Errol 'Gardner

Écrit par

Critique lue 756 fois

10
3

D'autres avis sur London Calling

London Calling
EricDebarnot
10

Revolution Rock

Chaque époque a son groupe phare, combinant la justesse de l'attitude (politique, ou simplement morale) et la parfaite adéquation de la musique avec l'air du temps. La fin des seventies a donc eu The...

le 7 sept. 2022

41 j'aime

6

London Calling
YellowStone
10

Revolution Rock

On est en 2003. Ou 2004, je sais plus. Par là quoi. J'ai les cheveux jusqu'aux épaules, mais pas encore assez de poil au menton pour me la péter. Je suis enfin sorti de ma période Korn, Slipknot et...

le 6 nov. 2013

35 j'aime

7

London Calling
LadyHomrigh
10

Critique de London Calling par LadyHomrigh

Elu meilleur album des années 80 par le New Musical Express alors qu'il sort en 1979. C'est dire. Le visuel interpelle immédiatement. Leur photographe Penny Smith se trouvait dans les coulisses...

le 22 juin 2012

19 j'aime

Du même critique

Vieux frères, partie 1
ErrolGardner
2

Faux frères.

Encore de faux génies accouchant d’un album foutraque à la fusion multi-genres repoussante (rap, slam, chanson française et rock), qui témoigne de la difficulté du moment des artistes français à...

le 10 mars 2014

54 j'aime

6

Rubber
ErrolGardner
7

Rubber Soul.

Il faut l’avouer, « Rubber », c’est n’importe quoi : une voiture heurte volontairement des chaises, qui se cassent comme des châteaux de cartes. Et du coffre de cette voiture sort un flic. Le...

le 25 mai 2013

48 j'aime

6

Délivrance
ErrolGardner
10

Voyage au bout de l'enfer vert.

Quatre garçons dans le vent s'en vont pagayer sur une rivière et jouer aux trappeurs chevronnés. Armés d'arcs, ils chassent, campent et bivouaquent. Lors d'une énième sortie sur la rivière, l'un des...

le 18 févr. 2013

42 j'aime

7