Comme il était indiqué dans l’interlude Steve Berman sur l’album Relapse, Eminem avait bien préparé deux albums après son retour de plusieurs années troubles. Sauf que l’artiste décidera finalement de se passer de ce second album, et de ré-enregistrer ce qui devait être Relapse 2, et qui deviendra Recovery.
Si la réédition de Relapse, Refill contenait quelques inédits relevant moins de titres pour un potentiel album que de chutes de studio, on ne saura probablement jamais à quoi aurait bien pu ressembler ce projet. Par contre, on ne sait que trop bien à quoi ressemble son remplaçant, et autant le dire, ce n’est pas du joli.
Il aura fallu attendre son 6ème album en major pour voir Eminem ouvrir ses projets à d’autres producteurs que ceux de son entourage proche (Dr. Dre ou les Bass Brothers) ou ses propres productions (ces dernières manquaient généralement de profondeur). Une bonne idée par moment, comme avec Not Afraid produit par le canadien Boi-1da, Cold Wind Blows par l’éminent Just Blaze, ou encore avec Going Through Changes dans la lignée de Sing For The Moment ou Beautiful (On Fire aurait également pu être cité, mais produit par Mr Porter, membre du groupe D12 dont Em’ fait partie). Malheureusement, la plupart des productions sont banales ; non pas qu’elles soient mauvaises (enfin concernant Won’t Back Down, Seduction ou No Love c’est quand même très passable), mais le contraste entre l’écriture de Marshall très travaillée et recherchée et des productions tantôt fainéantes (Cinderella Man, 25 To Life) tantôt faciles (WTP, Love The Way You Lie) est assez inquiétant.
Une autre nouveauté, ce sont certains invités. Si Kobe ou Lil’ Wayne ne sont pas étonnants, Eminem ayant déjà convié Nate Dogg ou Snoop Dogg sur ses précédents albums, les participations de Pink et Rihanna sont beaucoup plus surprenantes. D’abord, parce qu’elles sont le prototype même des chanteuses dont Slim Shady se serait largement moqué auparavant, mais aussi parce qu’elles ne viennent que pour nourrir des refrains, alors qu’Eminem les as quasiment toujours assurés avec succès auparavant (sans compter Stan puisqu’il s’agit d’un sample). Des participations quasi inutiles (ça n’a jamais été le fort de ses albums de toute façon), mais qui semble refléter surtout le manque d’idée de l’artiste, contraint à inviter des noms connus pour mettre en avant ses titres, alors qu’il n’en a vraisemblablement pas besoin.
La banalité des productions ainsi que la déception des invités est d’autant plus dommageable, que l’artiste est non seulement toujours aussi inspiré à la plume, mais retrouve également un flow rageur et efficace. Certains titres comme Talkin’ 2 Myself dans lequel il relate ses années de dépression jusqu’à son retour à la musique ou Space Bound qui flirte entre réalité et fiction mais toujours avec des détails très poussés, prouvent que l’artiste peut toujours proposer des lyrics de qualité.
Il est très difficile de considérer Recovery à sa juste valeur. Si l’écriture est très bonne et le flow retrouvé, les productions passables et les guests superflus viennent considérablement altérer l’intérêt de ce projet, sans compter que lorsque qu’un titre comme Love The Way You Lie est le single porteur, il est forcément difficile de défendre les quelques titres de qualité. Enfin, la manie d'Eminem de faire des projets longs n’est pas prête de s’arrêter, des titres comme Almost Famous, You’re Never Over ou 25 To Life étant largement dispensables. Comparé à un Relapse bien produit et plus en phase avec l’univers de l’artiste, Recovery est un moteur de Ferrari habillé d’une carrosserie de Renault 5 ; et quand on vient de Detroit, ville qui a enfanté la General Motors, ça fait mal !