Du haut de ses quarante ans fraîchement dépassés, Lino revient dix après son premier album solo, et trois ans après le projet Radio Bitume sorti sans son consentement, gâché par des producteurs peu recommandables. Projet démuni de mixage, de promotion et avec des morceaux non finalisés, comme Wolfgang, dont on retrouve la vraie version pour Requiem.
Casseur d'ambiance coincé entre les Stromae et les Gims, notre membre d'Ärsenik revient avec son style old school et son flow brut de décoffrage afin de boxer avec les mots et livrer des punchlines qui cognent durs, et au-delà des mots, il fera toute la sale besogne.
Grossièrement on peut dire que l'album est composé de trois types de chansons différentes.
Les morceaux 12ème lettre, Wolfgang, Suicide Commercial, Au jardin des ombres, Ne m'appelle plus rappeur et l'ultime Requiem sont les gros sons bruts et lourds. Les instru' légères se mêlent parfaitement avec le côté sombre des textes de Lino, qui défoncent tout.
Puis d'un autre côté, y a les featuring avec particulièrement 7 milliards sous le ciel et Brûleurs de frontières. De putains de gâchis. Non pas qu'ils soient foncièrement mauvais, le texte étant toujours là et ses passages bien gérés, mais le problème vient de ses potes. Bien loin de l'esprit du grand Suicide Commercial, notre Congolais ose inviter Zaho, Corneille, Manon et Dokou pour des parties chantées qui ruinent le climat oppressant de l'album. Sans compter l'intervention de Youssoupha, qui en profite pour livrer un couplet de réserve sans grand intérêt. Tant qu'à faire, il aurait dû inviter Matt Pokora ce con.
Puis enfin, y a les autres : Le Flingue à Renaud, VLB, Fautes de Français, Narco, Peuple qui danse. Morceaux qui rejoignent la première catégorie, aussi bien écrits, moins bruts mais plus rythmées, ambiancés dont certains disposent de featuring rafraîchissants et réussis, surtout VLB qui rend fou.
Requiem avait tout pour devenir un album culte vu le travail fourni par Lino. On se demande juste «Pourquoi ces feat'» qui sont plus des fist' qu'autre chose. Ça casse l'homogénéité d'un album à ambiance lourde. Narco est le seul vrai feat réussi, avec les flows percutants de Sofiane & Niro, qui eux, ne sont pas du genre à faire le tapin, en nous contant une histoire de drogues, thème qu'ils maîtrisent et en adéquation avec Requiem. Y en a même des passables du moment que ça ne va pas plus loin que le refrain, notamment Manon (qui fait un peu tâche quand même), ou T.Killa & Fally Ipupa qui apportent un peu de légèreté par leur faible présence. Mais les sons avec Corneille, Youssoupha et Zaho méritent juste une remise en question pour l'artiste. Il est beau le suicide commercial tiens.
Passer outre ces conneries, l'album est excellent. A l'instar de sa belle pochette, il se sert du micro comme arme, en parallèle de sa plume aiguisée pour des morceaux de malades, très inspirés, aux thèmes précis qui mènent à des récits à mi-chemin entre classiques et frais. Requiem est en fait un régal pour les puristes du rap français. Ce n'est pas un hasard si les gros morceaux durent de 4:30 jusqu'à 8:30 pour le final. 12ème lettre, Wolfgang, Suicide Commercial, Au jardin des ombres, Ne m'appelle plus rappeur, Requiem, Peuple qui danse, VLB sont oufs, et se dispensent de gros refrains. À l'instar de ses drôles et remarquables d'interludes, il cerne bien les problèmes actuels et crache son venin proprement, sec.
Si l'album est peu accessible car les meilleurs morceaux peu ambiancés, il a su faire la part des choses avec des morceaux avec plus de flow qui rend l'ensemble de grande virtuosité. Sans oublier les instru' old school très travaillées, qui bien souvent évoluent au rythme des phrases du grand Lino. Requiem risque quand même de devenir un album culte, tellement qu'il prend le rap à la source. Un album qui deviendra une référence. M'enfin si l'on élimine les petites tâches, si tu vois ce que je veux dire. Non pas qu'ils soient de grosses merdes, mais de gros gâchis. M'enfin, on va pas faire d'tchi-tchi.