Mondkopf est à l’image de cet animal étrange aux teintes bleu nuit, mi-rapace, mi-hibou, qui trône sur la pochette de Rising Doom : un drôle d’oiseau. Un oiseau qui ne choisirait pas entre ses racines terrestres et les hauteurs grisantes du vol plané. L’électronique apocalyptique du français est animée de cette dualité sol/air, et c’est cela qui la rend si singulière.
Cet attachement au sol, c’est – littéralement – la « base » rythmique. Des basses abyssales, ronflantes, associées à des beats martiaux. On a rarement entendu une telle puissance, une telle ampleur dans ce domaine. Chaque coup de grosse caisse agit comme un uppercut, chaque coup de caisse claire claque comme un coup de fouet. On a d’ailleurs souvent le sentiment que cette rythmique est jouée sur de vrais instruments (basse, batterie donc), mais qu’elle a été retouchée, produite, de telle manière à décupler sa force. On est finalement plus dans la vibration « naturelle » que dans la pulsation propre au courant techno et à ses dérivés. Certainement parce que Mondkopf ne se sert pas du rythme comme la plupart de ses pairs : les motifs sont directs, accrocheurs, loin de la frénésie cérébrale d’un Aphex Twin ou d’un Amon Tobin.
En opposition à cet aspect terrestre, et même souterrain des compositions, la partie mélodique, elle, est portée par un souffle céleste. Des sons synthétiques lunaires (Mondkopf signifie d’ailleurs « tête de lune » en allemand), souvent des arpeggios, font le contraste avec la rigidité écrasante de la charpente des chansons. Mais régulièrement s’invitent aussi des instruments naturels : une flûte élégiaque (magnifique «The Song of Shadows »), des cuivres qui sonnent comme les trompettes de Jericho (le finale « Fossil Lights »), un piano coupé en deux (« Day of Anger ») et surtout des chœurs omniprésents rappellent que Rising Doom pourrait être interprété par un groupe. L’envie d’opéra électronique n’est peut-être pas si loin…
En tout cas, à 25 ans, Paul Régimbeau impressionne. Il se montre capable malgré son jeune âge de créer un univers très personnel, et plus globalement un disque dans lequel chaque élément semble avoir été mûrement réfléchi pour former un ensemble cohérent proche du concept. Le sleeve a déjà été évoqué, mais les titres de chansons aussi se marient admirablement à l’ambiance de la musique : « Beyond the Golden Valleys », « Moon’s Throat », « Where the Gods Fall »… Entre rêve et cauchemar, terre et espace, l’apocalypse selon Mondkopf ne choisit jamais mais nous enflamme toujours.