Renouveau réussi

Tout le monde le sait, Korn est un groupe coincé entre deux tensions : plaire au public et tenter de l'expérimental. Le choix est difficile. D'autant plus que les fans originels ne sont jamais originaux. Ils considèrent que Korn c'est seulement les deux premiers albums. Ce qui est étrange c'est donc de comprendre que ce groupe est un groupe qui évolue et tente des trucs. En 2011, 13 ans après l'album éponyme, Korn tente un nouveau virage musical. Une fois encore, les fans se fâchent. Non pas tant à cause du fond, mais uniquement à cause de la forme. En gros, ce n'est pas ça "Korn" pour eux.
Je suis le premier à critiquer See you on the Other Side, non pour son côté expérimental et éléctro (déjà vu sur le très bon Untouchable) mais pour sa médiocrité musicale tout simplement.
En 2011, porté par Jonathan Davis, Korn va à l'opposé de l'album III : Remember who you are. C'est comme si le groupe se disait "mais enfaite, on a été con de vouloir revenir dans le passé, il faut évoluer !". C'est vrai qu'Untilted est pas vraiment le top de l'expérimentation sonore et plus d'une fois on pouvait douter de la capacité de Korn à suivre ce chemin, mais avec The Path of Totality, on peut être rassuré. Tout simplement parce que la fusion de genre populaire, ça, Korn maitrise. Le hip-hop qu'ils intégraient à leurs débuts, c'était pas des trucs très recherché, on reste dans le commercial, on l'assume. Korn se veut facile d'accès !

Voilà, je pense avoir suffisament posé les bases de cet album pour ce qui est des critiques. Globalement il fut détesté car ce n'était pas du "Korn", preuve en est d'une capacité chronique à être stupide de la part de leurs fans. Quand un groupe ne cesse depuis plus de 10 ans de chercher à faire autre chose que ce qu'ils faisaient à leurs débuts, on peut peut être comprendre que non, Korn ne se résume pas à Blind.
Pour autant, mixer brostep et néo-métal est il une bonne idée ? C'est dangereux mais pas forcément impossible. Tout simplement parce que le brostep est une relecture américaine du dubstep, une relecture faite souvent par des rockeurs et autres metalleux. La volonté, dans le brostep, est de faire bouger, mais aussi de dégager de la violence. En ce sens, ça ne peut que bien se marier.
Ca, c'est pour la théorie, pour la pratique, le risque est là. Je me rappelle encore ma réaction en entend Muse tenter de faire du brostep, j'étais outré. Presque autant que lorsque j'entends Skrillex dire "je fais du dubstep". Oui et Florent Pagny est un punk si il en a envie, mais objectivement c'est pas pour autant que ta musique devient ce que tu revendiques qu'elle est !
Bref.
Accompagné par une masse non-négligeable de DJ américains tous plus connus les uns que les autres, Korn réalise ce fameux album. Et là, au surprise, c'est une réussite ! Bien sur, ça demande un effort pour l'apprécier, car il faut passer outre ces préjugés. Mais même ainsi, il reste difficile d'accès dans le sens où si on aime pas le métal ET le brostep, on risque de détester. Beaucoup d'amis à moi on détestait car une des deux parties du son leurs déplaisait. Personnellement j'apprécie beaucoup les deux, l'écoute du disque fut donc un véritable plaisir.

Le disque est composé de quelques grosses tueries comme Chaos live in Everything (featuring Skrillex) ou Burn the Obedient (featuring Noisia), un de mes petits chouchou. On a bien sur Narcissistic Cannibal (featuring Skrillex & Kill the Noise), qui est vraiment la révélation de l'album, le titre ultime révélant tout le potentiel. Get Up (featuring Skrillex) fut le premier single et est la dernière des tubes de l'album même si j'ai moins accroché.
Globalement le son est un mélange entre les phases les plus expérimentales de Korn et un brostep ultra présent, voir peut être même trop. La batterie a perdue tout réalisme et assume les sons synthétique là où la basse est hésitante. Une des raisons de la qualité de Narcissistic Cannibal vient peut être de la conservation du son de Fieldy.
On notera aussi la présence de toutes ces grandes stars du Brostep. Noisia, Feed Me, Kill the Noise et bien sur Skrillex ... Du beau monde pour un bel album.
Ne pensez pas que les titres que je n'ai pas mentionné sont ratés, loin de là. Ils sont tous très bon mais eut être moins remarquables. Pour autant, My Wall, Kil Mercy Within et Way too Far sont des morceaux agréables qui remplissent bien l'album. Bleeding Out est aussi un bon morceau, même un très bon. On notera le retour de la cornemuse, un vrai délice. Son seul défaut est d'être en fin d'album, car du coup, on sature peut être un peu.
En effet, le problème de cet album est que les DJ changeant à chaque fois, on a le droit à des morceaux très unis par le son brostep, montrant la diversité du mouvement et les possibilités de fusions avec le métal mais en même temps, ne réfléchissant peut être pas assez sur des modulations. Korn se répètent beaucoup au sein des featuring. Illuminati, Sanctuary et Let's go apparaissent comme autant de titres répétitifs au final.
Les deux titres bonus essaient de se diversifier un peu, mais peine à cela. Malgré un retour aux cris animaux sur Tension.

Au final, Korn innove bien, réalise un nouveau style musical d'une grande qualité et très agréable à condition qu'on aime les deux géniteurs en questions. On peut regretter cependant que le groupe n'ait pas pris plus de liberté avec le genre, afin de s'autoriser des constructions plus variés. L'album est empli de bon titres, mais bien que créant ce nouveau son, il ne s'y confronte pas, n'amenant pas ainsi une évolution totale, comme on l'aurait souhaité.