Nous sommes en décembre 2020, au moment de classer les meilleurs projets francophones sortis au cours de l’année, un album se démarque clairement. Cet album, c’est Trinity de laylow. Après quatre excellents EP, le man of the year nous livre son projet le plus ambitieux et abouti de sa carrière. Trinity c’est une véritable balade auditive, un film en musique de près d’une heure. Laylow a nommé son album ainsi en référence au film culte Matrix, œuvre lui ayant fait naître son amour pour le cinéma. Par ailleurs la cover verdâtre du projet et son ambiance très sombre et digitale collent parfaitement à l’univers de Matrix. Le toulousain a toujours eu un rapport très particulier avec le cinéma, il dit lui même regarder deux à trois films par soir. Cet attrait pour le septième art, on peut le retrouver dans la production de ses clips. En effet dans le cadre de la promotion de Trinity, laylow nous a gratifié de trois clips (MEGATRON, TRINITYVILLE, POIZON) et d’une vidéo promotionnelle d’une qualité rarement atteinte dans la sphère de l’audiovisuelle français.
Mais parlons de Trinity, de l’album en lui même. Trinity est «un logiciel de stimulation émotionnelle» qui vise à faire retrouver à l’utilisateur certaines émotions perdues dans une réalité lui échappant. Baudelaire faisait appel aux paradis artificiels pour échapper aux malheurs du quotidien, laylow lui se refuge dans ce logiciel pour accéder à cet idéal qui lui échappe tant dans la réalité. Trinity est une œuvre extrêmement digitale, l’informatique est présente tout le long de l’album. Mais pour créer cette atmosphère électronique, Laylow traite sa voix d’une manière très particulière. Des chuchotements glaciaux dans Megatron à une voix très pitchée sur Million Flowerz, le toulousain cherche à constamment pousser la créativité de l’autotune. Il ne faut également pas oublier l’importance des vibrations, grésillements, saturations et bruits électroniques en tout genre qui accompagnent chaque morceau du projet et qui contribuent à cette ambiance robotique. Kanye West et plus particulièrement l’album Yeezus influence fortement cet album, que ça soit au niveau des sonorités électroniques ou au niveau de la cover qui reprend le même concept. Laylow lui rend même un hommage en reprenant la rythmique de Black Skinhead sur Megatron.
Maintenant parlons des featuring, de Lomepal à Wit, laylow arrive à tirer le meilleur de chacun de ses invités, chaque collaboration s’inscrit pleinement dans la direction artistique du projet. Mention spéciale à Jok'Air sur Plug, qu’on avait pas entendu aussi bon depuis des années.
Les interludes ont également une grande importance dans Trinity, elles créent une sorte de liaison entre les morceaux. Il est d’ailleurs pas étonnant que laylow tienne autant à en mettre, car il y a lui-même toujours prêté un intérêt particulier depuis petit.
Laylow est un artiste qui fait et ne fera jamais comme les autres, il n’est pas le meilleur lyriciste ni le rappeur le plus technique, mais il compense toutes ses lacunes par son originalité débordante.
En quelque sorte, Laylow est un artiste à contre-courant de son époque. Dans une ère où la majorité des rappeurs cherchent à vendre abondamment quitte à en oublier la qualité, le toulousain a lui comme ambition de créer des projets qui perdurent dans le temps.
Comme un symbole, l’album est certifié disque d’or en France par le SNEP, le 16 novembre 2020. Par le biais de cette certification, Laylow prouve à la France entière, qu’un artiste n’est pas obligé de dénaturer son travail pour toucher un public plus large. Il est même légitime de penser, que laylow puisse devenir une tête d’affiche du rap français dans les années à venir, ce qui serait donc une prouesse avec sa proposition artistique à priori difficile d’accès pour le grand public.
Alors oui, laylow est bel et bien le «man of the year», et ce titre honorifique ne risque pas de lui échapper pendant encore quelque années.