Trinity ou les chroniques d'un amour impossible

Premier véritable album du rappeur toulousain, TRINITY raconte l’histoire d’amour impossible entre Laylow et un système d’intelligence artificielle. Utilisant sa passion pour la technologie et l’univers du digital, il dépeint toutes les sensations qu’un homme et une femme peuvent ressentir lors d’une relation. Chacun des sons de l’album possède une couleur particulière et définit une émotion. Les interludes et l’ordre des différents morceaux donnent un résultat cohérent nous emmenant dans la montée en puissance de sa relation avant de nous plonger dans son inexorable chute.

Après l’initialisation de son programme avec TRINITY, l’album commence avec MEGATRON : un banger rendant hommage dans sa production à Black Skinhead de Kanye West. Laylow apparaît sur-motivé et rien ne semble pouvoir l’arrêter. Pourtant, les premiers doutes se montrent déjà sur DEHORS DANS LA NIGHT. Si MEGATRON est le son que l’on mettra en prenant sa douche pour se motiver avant d’aller à un rencard, DEHORS DANS LA NIGHT s'écoute pendant le trajet où l’on se demande si tout cela est bien une bonne idée et qu’on aurait été sans doute mieux à rester chez soi à se morfondre sur ces relations passées.
Après ce coup de mou, Laylow se remotive et, probablement après quelques verres, retrouve de l’allant avec son pote S.Pri Noir dans HILLZ. Un très bon morceau ego-trip où les deux rappeurs exposent leur réussite. Arrive ensuite PLUG avec Jok’Air, les deux artistes racontent le début de l’histoire entre Trinity et Laylow. La voix sensuelle de Jok’Air compense les doutes de Laylow à s’engager avec une femme puisqu’il sait au fond de lui que ses histoires se finissent toujours mal à cause de ces vices. Et notamment la violence que l’on retrouve avec PIRANHA BABY. Une violence trop dur à gérer pour le logiciel qui lui propose d’aller se calmer dans un des parkings de TRINITYVILLE.
Ce son représente peut être le firmament de la relation entre Laylow et le logiciel avec une ride dans les rues de TRINITYVILLE. Les voitures sont un élément central de sa musique et on le retrouve parfaitement dans ce morceau. C’est pendant cette ballade qu’il croise un clochard que l’on reverra plus tard. Le toulousain continue sa ride dans la nuit au volant de sa Honda Civic avec Alpha Wann, qui nous délivre un couplet dont lui seul à le secret. AKANIZER est une nouvelle fois une démonstration de violence incontrôlable qui va cette fois-ci faire crasher le logiciel.
Le début de la fin arrive avec BURNING MAN en featuring avec Lomepal où le refrain résume l’album et l’état d’esprit de Laylow : “Je créé puis je casse tout, c'est merveilleux
J'me détruis un peu chaque jour, c'est ma vie” Il devient submerger par ses émotions et n’arrive plus à remonter à la surface. Il commence à noyer ses soucis dans l’alcool en souhaitant une LONGUE VIE à ses rivaux/compères rappeurs. S'ils ne leur souhaitent que des bonnes choses, Laylow semble tout de même exprimer un certain dégoût envers le monde de la musique.
Toujours hanté par Trinity, il recroise le clochard qui va lui raconter son histoire dans le morceau storytelling ...DE BATARD en featuring avec Wit. Ayant peur d’avoir le même destin, il décide de renouer le contact avec le logiciel mais son entreprise est vaine. POIZON montre une nouvelle fois que toutes ces relations sont toxiques. Inévitablement, la passion se transforme toujours en poison avec lui.
NAKRé représente les regrets et la nostalgie de Laylow concernant sa relation avec Trinity. Il se remémore tous les bons moments passés avec elle. Il retente une nouvelle fois sa chance dans MILLION FLOWERZ. Jouant parfaitement avec sa voix et l’autotune, il arrive à transmettre beaucoup d’émotions. C’est pour moi le morceau le plus réussi de l’album. On ne va pas se mentir : si vous n’avez pas envoyé un message à vos exs/anciens crushs après l’écoute de ce son, vous avez les épaules très solides. Cette ultime tentative pour reconquérir Trinity ne marche pas et il est désormais trop tard pour retrouver sa relation avec elle. Le dernier morceau de l’album LOGICIEL TRISTE transmet la tristesse de Laylow. Cette conclusion sonne comme un cri de détresse. Conscient de tous ses vices, il n’essaye pourtant pas de changer car tout cela est plus fort que lui. Il aime créer mais il aime aussi détruire.

Il est rare de trouver des albums concepts (on peut citer JVLIVS de SCH ces dernières années) dans le rap français, il est donc très plaisant de voir un album de la sorte en 2020. De plus la direction artistique empruntée par Laylow permet vraiment d’apprécier cet album travaillé et extrêmement cohérent. Dans une époque où les albums ont de plus en plus tendance à ressembler à des une juxtaposition de morceaux sans cohérence, TRINITY est un sublime contre pied.