Le 1er décembre Booba nous a livré son 9ème album solo, Trône, suite au leak de celui-ci initialement prévu pour le 15 du même mois. Ainsi les théories vont bon train et la sortie d'une seconde fournée à la date initiale est même envisagée. Concentrons-nous toutefois sur l'objet que nous avons entre les oreilles.
Laissez-moi vous avouer quelque chose. Cette critique n'est pas absolument pas objective, je ne peux l'être quand il s'agit du DUC. J'ai écouté pour la première fois cet album sous sa version leakée et je dois avouer avoir été (un peu) déçu. On attend forcément quelque chose d'exceptionnel à chaque nouvelle sortie de Kopp et je n'étais finalement pas prêt pour ce qu'il nous avait préparé. À force d'écoutes, mon oreille s'habitue (la qualité de la sortie officielle aidant) et je tombe dedans, comme à chaque fois avec ce cher Élie. Lorsque j'écoute un nouvel album de Booba, j'attends forcément des punchlines et autres ego-trip typiques du bonhomme. Dans Trône, on trouve forcément des métagores incisives. Cependant ce n'est pas cet aspect du disque qui m'a marqué. En effet, l'album ne ressemble pas aux précédents dans sa forme. Il est court et très dense. Il revêt presque l'aspect d'une mixtape. Si des morceaux se détachent forcément du lot (Trône, Ridin', Petite Fille..) la réussite tient avant tout dans l'homogénéité du projet, mis à part l'horrible track 7 Ça va aller. Ainsi chaque fois que j'entreprends d'écouter le disque, c'est en entier, et rien d'autre. Je n'ai pas de souvenirs récent d'un projet réussi de A à Z comme celui-ci (oui la track 7 n'existe pas).
Outre l'aspect formel donc, le fond est également surprenant. Si l'on retrouve les thèmes de prédilections du DUC j'ai été frappé par un caractère particulier de l'oeuvre. Si Booba nous dit depuis 10ans qu'il veut arrêter le rap, ici on prend de plein fouet la nostalgie voire la tristesse de certains morceaux. Le terme « sombre » est à la mode dans le rap francophone actuel mais jamais, selon moi, il n'aura trouvé, comme ici, une plus pure incarnation. De plus j'ai souvent lu ici et ailleurs des remarques sur l'utilisation du vocodeur et de l'autotune. Il me semble que chacun a son interprétation sur l'utilisation de cet instrument. De mon point de vue, le vocodeur chez Booba (et chez d'autres comme PNL), et surtout sur cet album, donne une teinte encore plus mélancolique au projet. Ainsi le fond et la forme se rejoignent sur les instrus toujours parfaites (Booba a toujours su bien s'entourer). La mélancolie du rappeur atteint son climax lors du dernier son (hors bonus) Petite Fille.Qui aurait cru que Booba écrirait la plus belle chanson d'amour du rap français ?
En définitive, le projet, pour moi, est une totale réussite. Si Booba reste dans son délire sombre et futuriste, il parvient à ajouter ce qui fait pour moi la différence sur ce projet, cette touche mélancolique qui apporte une nouvelle couleur à son rap. On trouve quand même ce que l'on attend sur un disque du DUC, du sale, des punchlines assassines, des sons clubs ultra-maitrisés. On parle souvent de maturité chez les artistes, et il me semble qu'ici le terme n'est pas galvaudé tant Kopp parvient à une maitrise totale de son univers et des éléments qui le composent.
Il avait annoncé sur Twitter que la bataille finale allait avoir lieu. La neige parisienne tombée le jour de la sortie de l'album semble lui donner raison. Ainsi Booba est bien assis sur le trône du rap français, son drapeau noir flotte au-dessus de nos têtes et nous rappelle que si on enlève Élie Yaffa on enlève un roi.
Vivement l'été pourvu qu'il neige.
P.S. : rendez-vous à la U Arena.