Tatsuki Fujimoto est décidément un garçon insaisissable.
Après avoir détruit le monde dans Fire Punch et fait exploser les codes du shonen dans un festival gore et surréaliste appelé Chainsaw Man, il a enchainé deux récits plus intimistes : Look Back, excellent, et Goodbye Eri, donc.
Le premier posait la question de l'utilité de l'artiste. Quand la société peut avoir besoin de lui comme médecin, professeur, chercheur ou financier, pourquoi voudrait-il créer de la fiction ? La réponse de Fujimoto était claire : Parce que.
Goodbye Eri a une approche différente, et dans une démarche plus expérimentale se questionne sur le regard de l'artiste sur son œuvre et sur la réception du public.
Est-il acceptable qu'un court-métrage dramatique sur la mort bien réelle d'un proche puisse se conclure par une explosion digne d'un film hollywoodien du dimanche ?
Est-ce de bon goût ? Est-ce inapproprié ? Pas forcément : C'est l'artiste qui parle. Et il fait bien ce qu'il veut.
De même, est-ce que le portrait dressé de la personne filmée sera fidèle à sa personnalité bien réelle ? Est-ce que le concept même du montage, déjà questionné dans Fire Punch, n'est pas un énorme attrape-nigauds qui ne fait que nous offrir du mensonge ?
Bien sûr que oui. Mais c'est le plus grand pouvoir du cinéma, cet art du réel qui se mute durant 1h30 en irréel. Le cinéma nous ment, il nous prend pour des demeurés à nous faire croire qu'un acteur britannique ait pu être tour à tour un héros grec, puis un Superman, puis un sorceleur, puis peut-être un space marine. Et dans le même temps, il est si convaincant que nous en faisons le grand messie de nos vies, et nous avalons toutes les couleuvres qu'il nous enfonce dans la trachée.
Le cinéma met tout en scène de la même façon que nous mettons en scène nos souvenirs. Nous les sublimons, les noircissons, notre parent abusif deviendra en quelques cuts une adorable personne et l'être aimé passera nous voir une dernière fois après sa mort. Et si le réel est trop dur à supporter, autant tout faire péter à la fin.
Car pour Fujimoto, le cinéma c'est mieux que la vie. Il tue (Fire Punch), il berne (Chainsaw Man) mais il rassemble (Look Back) et finalement il sauve.