*Critique originale disponible sur Duotaku no Sora*
Et l'année suivante, tu tourneras un film pour le présenter à la fête de l'école ! Prendre ta revanche en tirant des larmes à tous ces abrutis, ça ne te fait pas rêver ?
Yûta est un adolescent qui adore créer des films.
Pour ses 12 ans, sa mère va lui offrir un smartphone en lui demandant de la filmer jusqu'à sa mort. Une dernière requête que l'enfant accomplira du mieux qu'il peut avant d'en faire un film avec un climax explosif qu'il projettera lors de la fête de son école.
Cependant les critiques négatives plomberont le moral du garçon qui décidera de mettre fin à ses jours. Alors qu'il est sur le point d'accomplir son acte, une mystérieuse jeune fille apparaît.
Le manga dédié aux cinéphiles
Lorsque l'on songe aux œuvres de FUJIMOTO Tatsuki, il est difficile de cibler un genre en particulier tant l'auteur aime varier ses œuvres et leur contenu. Pouvant aborder des thèmes dérangeants comme dans Fire Punch ou osciller vers un genre plus tragique comme dans Look Back, l'auteur semble bénéficier d'une créativité illimitée lorsqu'il s'agit de mettre en scène des histoires peu communes. Et pourtant on retrouvera tout de même bien un thème en commun dans toutes ses œuvres : le cinéma ! En effet, que ce soit via un personnage ou via une simple mention, le cinéma trouvera toujours une place quelque part dans les œuvres de Fujimoto. Ainsi après de nombreuses références ici et là, l'auteur se penche désormais sur cette passion qui est cette fois-ci le sujet central de son nouveau one-shot Adieu Eri.
Suite à sa déconvenue face aux répliques acerbes du film suivant sa mère jusqu'à sa mort qu'il a réalisé, Yûta décidera d'en finir. Néanmoins une jeune fille de son école apparaît devant lui et le reconnaît. Elle décide alors de l'emmener dans un immeuble désaffecté où trône un vieux rétroprojecteur. Yûta et la mystérieuse inconnue vont s'installer là pour regarder des films. C'est là qu'il apprend le nom de la jeune fille, Eri, qui va lui proposer d'emmagasiner de la culture cinématographique en regardant des films afin de lui permettre de retravailler son film et prendre sa revanche au prochain festival de l'école.
C'est donc encore une fois une trame assez simple qui lance ce nouveau one-shot de Fujimoto mais ne vous-y trompez pas, l'œuvre dissimule malgré tout une grande richesse puisque l'auteur jouera de son histoire jusqu'au bout au point où l'on ne parviendra plus à discerner la fiction du réel, jusqu'à un final haletant qui nous invitera à réfléchir sur notre lecture une fois celle-ci terminée.
Ainsi si on a affaire à un scénario très slice of life où un jeune homme va changer par une rencontre avec une fille, néanmoins il ne sera qu'un prétexte pour mettre en place l'élément principal de l'œuvre qui demeure le cinéma. On aura ici affaire à une œuvre où Yûta va devoir regarder de nombreux films et s'en imprégner, les analyser et les comprendre afin de lui aussi pouvoir réaliser un film capable de surpasser son premier essai, un film dans lequel l'aidera Eri qu'il apprendra à connaître, tout comme nous lecteurs, à travers la caméra.
À travers le regard du caméraman
De plus, l'histoire sera portée par sa mise en scène savamment étudiée puisqu'elle se déroulera via l'objectif du smartphone de Yûta. Ainsi si dans ses débuts les dessins seront flous, preuve que l'adolescent filme de manière purement amateure, à mesure que la lecture avance -et que la technique de Yûta s'améliore-, les dessins deviendront plus clairs et mieux cadrés. Fujimoto en profitera aussi pour mettre en scène de longs moments de silence afin d'instaurer une atmosphère propre aux dialogues qui s'amorcent. Ainsi on aura finalement affaire à un cadrage beaucoup plus classique avec peu de double pages et de cases entrecoupées. Bien au contraire, l'ensemble de l'œuvre laissera penser à un storyboard bien préparé, là-aussi raccord avec le scénario du titre.
Et bien que cela pourrait laisser craindre une redondance et une mise en scène paresseuse, il n'en sera rien. Elle saura rester percutante lors des moments phares, tout comme le dessin qui demeure, pour ceux qui apprécient le style réaliste de l'auteur, toujours aussi immersif, en particulier via les expressions des personnages, celles d'Eri rendant le personnage bien souvent indécryptable par exemple.
Enfin concernant les personnages, si Yûta demeure un personnage à priori classique, sa rencontre avec Eri le changera totalement, le poussant à s'intéresser davantage à la réalisation de film mais aussi à sa mystérieuse amie. Une amie au final très mystérieuse puisque nous en saurons très peu sur Eri, bien que quelques indices permettent de se faire une idée sur la jeune fille mais nous ne saurons au final que bien peu de choses à son sujet. Mais ce sont ces mêmes interrogations qui nous pousseront à relire le manga pour tenter d'en saisir toutes les facettes.
Le manga sur le 7e art
Ainsi Adieu Eri est un titre vraiment prenant, une œuvre dans laquelle Fujimoto se sert de son média pour y transmettre toute sa passion du cinéma et ce, en jouant avec ses lecteurs en mêlant la fiction et la réalité. Une retransmission de la magie du cinéma, tout simplement.
Une belle œuvre phare pour débuter l'année !