C'est dans cet album, Astérix le gaulois, que nous découvrons pour la première fois (59 dans pilote, 61 pour Dargaud) cet incipit sacramental et les aventures de gaulois bien différents des quelques uns déjà existant.
Cet incipit sacramental, que nous connaissons à présent tous et toutes par coeur, induit le lecteur dans un monde uchronique où un petit village armoricain résiste aux légions et à l'occupation de César. Monde uchronique qui, alors, ne va pas de soi et demande à être présenté et expliqué au lecteur: pourquoi une pareille fantaisie? Qu'apporte-t-elle?
Suivant la célèbre phrase de Dumas - "on ne peut violer l'Histoire qu'à condition de lui faire un enfant" - René Goscinny et Albert Uderzo lui en offre une flopée délirante aux noms hilarants.
Car tout est jeu de mots dans l'univers d'Astérix et en particulier dans cet album qui fait découvrir cet univers au lecteur: les noms de personnages (en -ix pour les gaulois: Astérix - astérisque; Obélix - obélisque; Panoramix - panorama mixte; Abraracourcix - à bras raccourcis; Assurancetourix - assurence tous risques. En -us pour les romains: Bonus; Caligulaminus - Caligula minus; Sacapus - sac à puces), les noms de camps (Petitbonum - petit bonhomme; Aquarium; Babaorum - baba au rhum), les citations latines et les phrases en pseudo-latin, les jeu de mots et d'expressions ("envoyer aux fraises") autour d'un champ lexical (celui du poil par exemple).
Tout y est aussi jeu de références, entre les anachronismes étiologiques, la parodie de tableau de Royer sur la Reddition de Vercingétorix, Caius Bonus en quasi Pompée.
Bien-sûr, étant le premier album, il accuse certains défauts: le dessin des personnages se cherche encore, la personnalité de Panoramix est très différente. Astérix et le druide exceptés, les autres personnages restent dans un flou définitionnel assez frustrant et Abraracourcix, Ordalphabétix ou Cétautomatix, encore célibataires, sont dessinés voire coloriés de façon très étrangère à celle que nous connaissons aujourd'hui.
Astérix le gaulois pose le problème d'un univers en progression, pas encore suffisamment léché, mais offre aussi le charme de sa genèse qui permet d'entrer tranquillement dans cette gaule de plusieurs temps confondus aux codes si particuliers.