Batman : The Dark Knight Strikes Again de Frank Miller, sorti en 2001, est la suite tant attendue de l’emblématique The Dark Knight Returns. Mais si le premier opus était une symphonie sombre et épique, cette suite ressemble davantage à un solo de kazoo mal accordé dans une cave mal éclairée. Miller tente de repousser les limites du genre, mais ce retour en force finit par ressembler à un combat chaotique contre lui-même.
L’intrigue s’étire dans un futur dystopique où Batman revient pour renverser un système corrompu et affronter des ennemis surhumains. Dit comme ça, ça sonne bien. Mais la narration, en dents de scie, donne l’impression que l’histoire a été écrite sur des post-its jetés dans un blender. On saute d’un point de vue à un autre, les dialogues flirtent avec l’absurde, et les enjeux, bien que vastes, manquent cruellement de clarté. À force de vouloir tout dire, Miller finit par ne rien raconter de vraiment percutant.
Visuellement, The Dark Knight Strikes Again divise. Frank Miller, accompagné de Lynn Varley, adopte un style ultra-expressif et expérimental qui cherche à bousculer les conventions. Malheureusement, entre les couleurs criardes, les compositions parfois brouillonnes, et les personnages au design caricatural, on se demande si cette esthétique servait vraiment l’histoire ou si elle cherchait simplement à détourner l’attention des failles du scénario. Ce qui aurait pu être une œuvre visuelle audacieuse ressemble parfois à une galerie d’art abstrait… dans le mauvais sens du terme.
Les personnages, autrefois le cœur battant de l’univers de Miller, sont ici réduits à des caricatures d’eux-mêmes. Batman, censé être le pivot de cette révolution, manque de profondeur. Quant aux autres figures iconiques de DC, leur présence oscille entre le caméo inutile et l’exagération grotesque. Superman ? Transparent. Wonder Woman ? À peine crédible. Même les nouveaux personnages peinent à trouver leur place dans ce maelström visuel et narratif.
Mais ce qui dérange peut-être le plus, c’est le ton général de l’œuvre. Là où The Dark Knight Returns brillait par sa réflexion sociale et sa tension dramatique, cette suite sombre dans un cynisme exagéré et un chaos qui frise l’auto-parodie. On sent l’ambition de Miller de critiquer la société et de réinventer ses personnages, mais le résultat donne davantage l’impression d’un pamphlet maladroit que d’une œuvre véritablement engagée.
En résumé, The Dark Knight Strikes Again est une œuvre qui voulait frapper fort, mais qui finit par s’effondrer sous le poids de ses propres ambitions. Les fans de l’original risquent d’être désorientés, voire déçus, tandis que les néophytes pourraient se demander si ce Batman-là est vraiment le même héros qu’ils connaissent. Un retour en scène qui, malgré ses quelques éclairs de génie, s’égare dans les ombres d’une exécution trop brouillonne.