Qu’on se le dise tout de suite : en tant que natif des années 80 je ne fais pas partie de ces Français pour qui Goldorak fut le premier prophète des dessins-animés nippons.
Goldorak, pour moi, c’était un dessin-animé parmi d’autres, et pas forcément le plus intéressant ni le plus beau.
Malgré tout j’avoue ne pas être insensible à la démarche de cette BD non plus. D’ailleurs sitôt j’ai surpris pour la première fois cette couverture que j’ai été rappelé au pouvoir iconique de cette figure.
Et même si ç’en était pas au point d’avoir envie de franchir le pas par moi-même, j’avoue que je n’ai pas rechigné quand un très bon ami – que dis-je un frère ! – a proposé de me le passer…
…Et je ne regrette pas parce que j’avoue que ça fait plus qu’honorablement le boulot.
Déjà c’est un bel objet.
En BD c’est pour moi un élément déterminant.
A l’image de la couverture, l’ouvrage est soigné, méticuleux et très respectueux du sujet traité, notamment par son usage très modéré des couleurs.
C’est très sombre certes, mais une obscurité qui confine à l’élégance. La rupture de ton est assumée et loin d’être impertinente.
Car si Goldorak est bien devenu aujourd’hui une noble figure, il ne faudrait pas oublier non plus que c’est essentiellement lié au fait qu’avec le recul il soit perçu comme une figure de précurseur. Parce que dans les faits, le Goldorak original c’est quand même assez grossier et un brin dégueulasse, à la fois en termes de trait mais aussi de couleurs.
Ainsi, en jouant la carte du sombre, Dorison et ses acolytes Sentenac, Bajram et Cossu prennent le parti de se départir fortement de l’univers originel, mais tout en sachant en contrepartie s’inscrire dans la continuité de l’intrigue du dessin-animé, parvenant ainsi à rajouter de la patine sans pour autant donner l’impression de trahir.
Malgré tout – et malgré l’indéniable élégance et le savoir-faire qu’a su exprimer le quatuor pour se réapproprier leur idole – la démarche rencontre néanmoins assez vite ses limites.
D’abord Goldorak reste Goldorak. Gros robots contre gros monstres à la gueule violette : la patine n’efface pas non plus le kitsch, pour ne pas dire le vide.
D'un autre côté j'entends qu'en épaississant trop l'univers de Goldorak, cette BD aurait forcément dénaturer le matériau originel auquel il s'agissait plutôt de rendre hommage, du coup Dorison a plutôt fait le choix logique (mais restreint) d’une trame assez classique. Certes – à prendre en considération l’entièreté de l’intrigue – je pense qu’il en tire là le meilleur de ce qu’il pouvait espérer d’une intrigue Goldorak mais bon, je reste persuadé que malgré tout il aurait pu éviter quelques longueurs et quelques clichés au début…
Les gars de Véga qui débarquent pour faire un discours sur Christophe Colomb, pour moi c’est non.
Idem pour Alcor qu’on retrouve en génie de la bourse, je n’ai vraiment pas trouvé ça bien finot.
…Et même si encore une fois, dans l’ensemble, l’intrigue s’en sort convenablement, il convient malgré tout de reconnaitre que même exploitée au mieux, une intrigue de Goldorak, ça ne reste qu’une intrigue de Goldorak.
A bien tout prendre d’ailleurs, l’intrigue, est sûrement le vrai gros point faible de cet album. Si on avait soustrait 40 pages à cet album, j’avoue que ça m’aurait sûrement davantage soulagé que peiné, surtout que le plaisir graphique a aussi ses limites.
A vouloir conserver les traits de visages très dépouillés de l’original, les dessinateurs ont voulu compenser le manque de richesse du trait par pas mal de nuances de couleurs orchestrées numériquement à la palette. Or si le résultat reste très élégant et très cohérent, il n’empêche pas moins que certaines compositions peuvent paraître un brin lisse, au point même que ça fasse parfois regretter les rendus plus tranchés et plus agressifs du dessin-animé original.
Malgré tout, à bien tout considérer, je me dois tout de même bien de concéder que le plaisir l’a au final emporté.
Il l’a emporté pour le soin et le savoir-faire déjà évoqués plus haut, mais il l’a emporté surtout parce que cet album a su clairement faire ce qu’on attendait de lui : il a su redorer l’icône.
A plusieurs reprises, l’ouvrage sait faire miroiter, il affiche des silhouettes, il révèle des détails visuels que les connaisseurs seront apprécier… Et puis une fois la bête lancée on s’en prend sous tous les angles, sous toutes les couleurs, et toujours avec une volonté de rappeler au caractère marquant de l’objet.
(Ce fulguropoint échoué dans l’eau, il est juste magnifique.)
Alors certes, parfois le fan service va un peu trop loin et frôle (voire atteint) la surenchère…
Le pompon ça a été pour moi la référence faite à la chanson de Noam. Là pour moi c’était trop et totalement contreproductif par rapport à l’immersion.
Néanmoins Dorison et ses copains ont su à la fin de l’album retourner cet excès en force.
Cette vingtaine de pages qu’on retrouve à la fin de l’album et qui raconte la genèse du projet (et surtout la passion des auteurs !) c’est presque ce qui a constitué pour moi la moitié de l’intérêt de cet ouvrage !…
…Pour ma part c’est même carrément ce qui a valu un point supplémentaire par rapport à la note que j’avais initialement prévu de mettre à cet album.
Mais après voilà, quand bien même je ne suis pas de la génération de Dorison que je fais néanmoins partie de ceux pour qui Goldorak a su être un objet de mon enfance.
Et même si ce n’est pas un Messie que ces quatre auteurs m’ont ressuscité, ils ont néanmoins su jouer sur cette fibre nostalgique à laquelle je suis malgré moi en partie relié.
Donc vous ne pourrez pas dire qu’on ne vous a pas prévenus.
Face au pouvoir des rétrolasers et autre nostafulgures, on n’est pas tous égaux par nature… ;-)