Gunnm
8.1
Gunnm

Manga de Yukito Kishiro (1990)

Critique rédigée en mars 2019


L'actuelle sortie dans les salles obscures de l'adaptation Alita: Battle Angel par Robert Rodriguez a été favorable à susciter en moi la motivation de découvrir la source première, avant toute chose.
Gunnm, écrit et dessiné par Yukito Kishiro, sa principale oeuvre, et publié en 9 tomes entre 1990 et 1995, est un manga de science-fiction de type cyberpunk et "seinen" se classant à mi-chemin entre les classiques Ghost in the Shell de Masamune Shirow et "Nausicaä de la Vallée du vent" de Hayao Miyazaki-san. Le point commun de ces trois romans graphiques majeurs dans l'histoire de l'oeuvre d'anticipation ?


La recherche d'un moi et de la clé d'une question probablement sans réponse ; à savoir, pourquoi être arrivé à de telles dégradations de notre Terre et comment maintenir ce qui fait de nous des humains ?


Ainsi, c'est dans le monde futuriste présenté par Gunnm que l'humanité se divise en deux: entre Zalem, la ville suspendue et destinée à l'élite, et la Décharge, la "cité poubelle". Ido, docteur en cybernétique, y trouve le corps sans vie d'un cyborg de sexe féminin. Il lui élabore un corps mécanique neuf et une nouvelle identité: ce sera Gally ! Cependant, ce robot humanoïde féminin, consciente de l'existence de sa vie antérieure, partira en quête de son passé tout en manifestant son goût pour le combat au cours de son aventure. Si la Terre meurt à cause de l'acharnement de certains individus sur les biens dont elle est dotée, il n'est pas trop tard pour réhabiliter, sauver de l'oubli, ce que nous avons été.


Je ne vais pas y aller par quatre chemins: Gunnm est l'une des oeuvres les plus belles, perchées, élaborées et riches que j'ai lues. Aussi bien graphiquement que scénaristiquement, le manga doit être fouillé dans les moindres recoins, voire relu afin d'en extraire tout le talent qu'il en dégage et sucer la moelle de notre trop courte vie.


L'intrigue, si elle n'est pas des plus originales, n'en demeure pas moins très complète, intéressante et attachante grâce à ses personnages, et tout particulièrement l'héroïne Gally. Attachante, coriace, cet androïde (mi-humaine mi-cyborg) à l'apparence de jeune femme séduit par son déterminisme, son design badass et les nombreuses activités dont témoignent beaucoup les tomes 3 et 4 (mignonne comme tout avec son clavier !).


Au même titre que le major Kusanagi de Ghost in the Shell, elle rompt totalement avec les archétypes des personnages féminins dans les oeuvres graphiques.
Chaque volume marque une progression dans la quête de son identité, à travers la rencontre d'une poignée de personnages excentriques. Parmi eux: l'obscur docteur Ido, père spirituel de la p'tite Gally, et le savant fou et gourmand Desty Nova, véritable version romancée du docteur Folamour de Kubrick et adepte des défis expérimentaux extrêmes au point d'être jugé individu irrécupérable à son tour !
L'univers, typique de la science-fiction contemporaine, est une flagrante allégorie d'un cas toujours actuel: la lutte des classes, qui nous est tous si familière et grande source de débat. Futuristes, crades, impressionnants, les décors de Zalem et de la Décharge séparant les 10 milliards que nous sommes sur Terre sont deux espaces bien distincts n'étant pas sans rappeler la situation probable des démunis, mais pas qu'eux, contraints pour X ou Y raison de vivre dans la misère (d'où le titre de "Décharge" !) et essayant tant bien que mal de survivre face aux maux rongeant notre environnement.
"Dans plusieurs siècles, nous pouvons tous nous y retrouver !" tel est le message sous-entendu lors de l'observation de l'univers de fiction auquel nous avons ici affaire.


Cette oeuvre suscite ce type de questionnements mais n'est nullement manichéen. Il ne dénonce aucun événement réel dégradant en particulier, mais au contraire, donne libre cours aux pensées des lecteurs pour identifier des thèmes précis. Sans forcément prendre parti, cette fiction nous donne des questions, dont il n'y a pas nécessairement de réponses.
De fait, tel l'avenir de notre planète, l'histoire du manga est imprévisible et on peut se retrouver surpris à n'importe quel instant par ce que l'auteur destine à ses personnages.


Je regretterais hélas, un dénouement dont les péripéties quelque part, progressent bien trop rapidement jusqu'en devenir quelque peu désordonné.


Nous assistons à une quête qui parvient à se développer tome par tome, doucement et surement et riche en rebondissements: les courses de Motorball, Gally à la découverte d'activités en tout genre, séquences de combat dynamiques...
Par ailleurs, l'une des particularités de ce manga est d'être doté de dialogues dont le vocabulaire, parfois trop technique, est régulièrement expliqué. Par conséquent, nous n'assistons pas à une énième oeuvre "scientifique" prétentieuse et totalement confuse, mais à un manga accessible en dépit d'un langage technique omniprésent.


L'apprenti Otaku que je suis ne peut que s'incliner face à une pièce d'art aussi dense et soignée qu'est Gunnm. La conclusion, bien qu'un peu déstructurée, nous en laisse pas moins le goût d'avoir grandi en l'espace d'une semaine de lecture des neuf tomes, tout en ayant bien eu le sentiment d'avoir lu un chef d'oeuvre. Désormais, on peut s'interroger sur la pertinence de sa suite, Gunnm: Last Order qui, à titre de comparaison, offre une fin, paraît-il, tout à fait différente et capable de davantage satisfaire les admirateurs de la p'tite Gally !

Angeldelinfierno
10

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Créée

le 18 déc. 2020

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