Le sushi s’est démocratisé en France, des enseignes en proposent dans toutes les villes, même les grandes surfaces en vendent. Mais il y a encore quelques (dizaines d’) années ce plat traditionnel japonais composé de riz vinaigré et d’un autre ingrédient n’avait pas la même popularité.


Quand j’en ai goûté pour la première fois, j’étais jeune, sans poils, c’était en famille, lors d’un repas organisé par une Japonaise pure-souche. Loin encore de tout buffet chinois ou autre restaurant plus ou moins asiatique. Beaucoup de personnes de mon entourage étaient réticentes, voire opposées à cette façon de cuisiner qui leur semblait hors nature ou en tout cas contraire à ce qu’on leur avait enseigné. On peut manger du poisson cru ? Et on ne va pas mourir avec d’affreuses souffrances ?


Oui, et c’est très bon. Désolé pour toi mamie.


Depuis les échoppes ont fleuri, on en trouve partout, des kits permettent de faire les siens (c’est long mais c’est bon). Mais ce sushi occidentalisé et industrialisé est consommé avec une certaine méconnaissance de ses origines et de ses traditions.


Franckie Alarçon avait réalisé en 2014 L’Art du chocolat, un ouvrage autour de l’atelier du chocolatier Jacques Genin et du chocolat en général. Toujours chez Delcourt, il récidive mais cette fois en quittant la France pour le Japon, avec ses petites pattes, accompagné de son éditeur, de sa compagne et d’une amie traductrice. Le trait est stylisé, où seuls les aliments et la nourriture sont rehaussés de couleur. Un parti pris sobre bien choisi, qui met en avant la nourriture et reflète bien la tradition et la pureté d’une gastronomie représentée dans ces pages.


L’enjeu est ainsi de révéler toute l’importance que revêt le sushi dans son pays natal. L’analyse sociologique et l’historique sont survolés, c’est la cuisine qui compte, et principalement la grande, avec quelques grands chefs rencontrés au sein des pages. Ils sont parfois plus traditionnels, parfois plus enclins à l’adaptation, mais tous ont en commun l’importance du geste, le choix des bons ingrédients et la saveur qui doit éclater en bouche. Les possibilités sont nombreuses, il y a ainsi un nombre large de sushis, avec parfois quelques surprises pour des palais occidentaux moins habitués à certains goûts.


Assez conséquent, l’ouvrage s’ouvre à d’autres pans de la culture japonaise tant qu’ils sont reliés au sushi. Différentes pages sont consacrées ainsi à la pêche ou au marché pour faire son (meilleur) choix. Pour garantir la fraîcheur du poisson consommé, il existe différentes techniques de pêche et de conservation dont l’ikejime, surprenante, avec l’introduction d’une aiguille dans l’arête centrale du poisson pour le conserver toujours vivant et frais mais en mort cérébrale. Le choix des ustensiles est ainsi très important, on découvre ainsi certains artisans couteliers ou céramistes, parfois autodidactes, parfois héritiers d’une tradition sur plusieurs générations, mais tous avec la même détermination pour créer le meilleur produit.


Ces différentes escapades rythment ainsi un livre assez large sur la gastronomie japonaise, avec quelques sujets qui rebondissent sur d’autres mentalités et façons de faire occidentales. Les parallèles et différences sont ainsi amusantes à comparer. Le sushi est familier à ce petit groupe, et à nous aussi, mais ils ont encore beaucoup à découvrir, et nous aussi. Cependant, le ton est un peu trop béat, un peu trop « touriste en ballade », sans guère trouver à redire sur leur séjour. La critique semble seulement gustative, un peu trop respectueuse de tout le monde et de toutes les situations rencontrées.


Le livre se termine tout de même par un petit discours moralisateur sur les dangers de la surpêche et de l’industrialisation du sushi, incitant à consommer moins mais mieux les fruits de la pêche. C’est vrai, et la situation est dramatique, mais cela passe un peu difficilement après un séjour gastronomique privilégié, où il ne nous a été présenté que le meilleur. Les quelques escapades dans des échoppes plus classiques étant vite oubliées.


L’art du sushi nous permet néanmoins d’en apprendre beaucoup plus sur ce plat, en le restituant dans son pays natal. Il donne la parole à ceux qui le font vivre, grands chefs ou artisans, aux ambitions diverses mais tous respectueux de leur travail. C’est donc un pan de la culture asiatique qui se dévoile un peu mieux, mais qui pourra sembler un peu déraciné des préoccupations communes. L’élitisme ainsi présenté est intéressant, c’est certain, mais il pourra sembler froid, à l’image de son dessin en noir et blanc.

SimplySmackkk
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le 13 nov. 2020

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