Là, il fallait pas se planter. Mettre en image le roman de Claudel, c'est comme mettre des mots sur l'indicible. Quelle mise en abîme incroyable. Pendant que Brodeck, le personnage principal, tente tout au long de ce premier tome, de rédiger un rapport sur ce qui ne peut pas être raconté, Manu Larcenet dessine une histoire qui ne peut pas être illustrée.
"Le rapport de Brodeck" de Claudel, s'applique en effet à ne jamais donner de contexte, à supposer un espace temps, à laisser au lecteur carte blanche pour imaginer le lieu, le temps, les hommes, les faits.
Et Manu Larcenet relève remarquablement le défi. Il interprète à la perfection cette histoire qui m'avait tant touchée. Il utilise un noir et blanc saisissant pour nous montrer les hommes, la misère, les séquelles de la guerre, la violence, et surtout, la peur.
C'est le sentiment dominant ici, la peur des hommes et les folies qu'elle engendre.
Pour ceux qui connaissaient le livre, la BD le complète parfaitement. Pour ceux qui aiment Manu Larcenet, il va ici encore creuser loin dans les vices de l'homme. Si Blast nous montrait combien un seul homme pouvait être malsain, là c'est à l'échelle d'une communauté entière.
Merci Manu !
Je suis le seul innocent parmi tous. Le seul. En écrivant ces mots, je comprends soudain le danger que cela représente, d'être innocent au milieu des coupables... C'est, en somme, très proche d'être seul coupable parmi les innocents.