Lorsque j'étais collégien/lycéen, j'étais un mauvais élève. Je ne bossais pas. Mais je détestais rendre copie blanche, alors j'avais pour principe de faire du remplissage avec le peu que je croyais avoir assimilé et les vagues notions que je connaissais superficiellement. Si je raconte ça, c'est parce que Fabien Vehlmann me donne l'impression de faire exactement la même chose avec SPIROU & FANTASIO car "On n'apprend pas au vieux singe à faire la grimace". Son travail est médiocre et il veut faire croire à tout le monde qu'il est fait pour la série. Et ça n'a jamais été aussi flagrant qu'avec La Colère du Marsupilami.
J'étais déjà plus que sceptique à l'idée de faire revenir le Marsu dans SPIROU, mais je me disais pourquoi pas, si c'est bien fait, etc... Sauf que Yoann & Vehlmann est un duo de tâcherons qui n'a aucun génie. Alors avec un sujet aussi casse-gueule, on pouvait s'attendre au pire. Et on y est en plein.
On est tout de suite dans le bain, dès la planche 4, lorsque Spirou comprend immédiatement que c'est la zorglonde qui provoque les colères auxquelles le comte, Fantasio et lui sont sujets lorsqu'on évoque le marsupial. Depuis quand la zorglonde rend colérique ? D'où ça sort, ça ?
Mais après tout, pourquoi pas ? encore une fois. La zorglonde permet plusieurs applications. Le problème est que celle-là, Spirou n'y a jamais été confronté. Alors pourquoi y pense-t-il immédiatement ?
Ensuite, depuis que le Marsupilami a quitté la série, Spirou & Fantasio ont eu l'occasion de l'évoquer sans que ça déclenche de réaction particulière pour autant. Alors pourquoi cela arrive tout à coup, après tout ce temps ?
Parce que le scénariste en a besoin, c'est tout. Et il se fiche de la cohérence. De plus, si on se réfère aux précédents albums de Yoann & Vehlmann dans lesquels on a des répliques beaucoup trop appuyées des personnages qui déclarent connaître toute la biblio de SPIROU & FANTASIO, ça en rajoute une couche (cf. le "J'ai plus de 50 albums d'expérience derrière moi" dans le tome 52 ou encore ici, Ninon qui dit : "Je connais par cœur les aventures de SPIROU, moi !" par exemples). Puisque les héros connaissent les BD de leurs propres aventures, ils ne peuvent pas avoir oublié le Marsupilami. Et - gag ! - il y a une figurine de l'animal sur le tableau de bord de la camionnette que conduit Spirou au début d'Alerte aux zorkons.
Autre problème majeur : la confusion entre l'arme du zorglhomme, qui sert à paralyser et à hypnotiser, et la zorglonde qui sert à laver le cerveau. Zantafio n'a certainement pas pu effacer les souvenirs de Spirou, Fantasio, Spip et le comte avec un simple pistolet à zorglonde. Où aurait-il donc trouvé le matériel pour ce faire, toutes les bases (sauf celle de Tora-Torapa) ayant été détruites à l'issue de Z comme Zorglub et L'Ombre du Z ?
Et que dire, dès le début, de cette réplique de Fantasio : "Des marsupilamis, on en a sans doute croisé des dizaines." Hein ! Quoi !!??
Bref, Vehlmann ne connaît pas la série comme il le devrait ; il est donc, au mieux fumiste, au pire incompétent. Et Yoann ne le recadre pas non plus, visiblement.
Ainsi, le postulat de départ de cette histoire est terriblement bancal, mais ce qui est fait est fait. On poursuit la lecture en se laissant malgré tout porter par la succession des péripéties. Le rythme et le découpage des séquences sont corrects et l'ensemble est plutôt dynamique, comme il convient pour un récit d'aventures. Mais c'est insuffisant pour sauver l'album du ratage total. Car malheureusement, encore une fois, Vehlmann accumule les approximations et les maladresses (notamment Spirou qui vouvoie Zantafio). Ses dialogues sont mauvais et ses idées sont artificielles, fleurant bon l'amateurisme (impossible de tout citer, il y en a quasiment à chaque page). Par exemple, les commentaires qui tombent à plat, adressés directement au lecteur et le prenant un peu trop pour un idiot qu'il faut tenir par la main afin de lui expliquer ce qu'il lit ("Holàlà ! Rien que de le voir se réaliser sous nos yeux le bonheur est presque trop fort !" ou "Quel suspense !" ou encore "Pourvu qu'ils n'aillent pas voir derrière la souche de droite !" avec Spip qui répond au commentaire). Et puis, comme dans les albums précédents, il faut toujours qu'il nous fasse la leçon sur ce même ton compassé, puéril et complaisant ("C'est un moyen de préserver notre biodiversité de l'avidité des firmes agricoles ou pharmaceutiques : elles n'hésitent pas à breveter les gènes de nos plantes rares ou de nos remèdes traditionnels." - Nous ignorions que les remèdes avaient des gènes). Y en a ras le bol de la morale paternaliste de Fabien Vehlmann ! Et on passera sur la nouvelle justification imbécile du costume de groom (comme si le Marsu se fiait à l'odeur d'un vêtement, et pas à celle de la personne qui le porte).
Quant à Yoann, il n'y a rien de plus à dire que ce que l'on disait déjà de l'album précédent. Malgré la jolie couverture (et la course nord-ouest de Spirou), son travail est toujours aussi aléatoire. Certaines cases sont bonnes, d'autres non et font plus penser à des storyboards colorisés qu'à des cases définitives (les cases de la pirogue qui s'éclate dans la forêt). Son Spirou est certes plus régulier, mais le style est toujours aussi patachon (il faisait sans doute partie des gamins qui coloriaient en dépassant des traits quand il était petit), parfois bâclé (on lui doit deux des plus laides planches de la série - planche 23 (p.25) et planche 34 (p.36) avec la participation de Laurence Croix aux couleurs). Bref, aucun des auteurs n'est satisfaisant.
On finit la lecture et on trouve encore une fois le résultat négatif, parce que maintenant ça fait un peu trop longtemps que dure l'insatisfaction. Ce n'est certes pas aussi mauvais que le tome 52 (quoique...), parce que c'est plus dynamique et qu'il y a une certaine atmosphère (le nombre de planches étant plus grand, cela donne plus de temps pour la développer), mais les aspects vraiment positifs sont difficiles à identifier en tant que tels.
Les questions qui se posent maintenant sont les suivantes : À quel moment Yoann & Vehlmann vont réellement se mettre au boulot et développer de nouvelles idées et de nouveaux personnages qui aient de l'épaisseur (contrairement au transparent V, son avocate et Poppy Bronco) ? Quand vont-ils apporter leurs propres pierres à l'édifice au lieu de toujours recycler de l'ancien (Zorglub, Seccotine, Vito Cortizone, Zantafio, le Masrupilami, la rédaction de Spirou) et des monstres à chaque album ? Ne sont-ils que deux cachetonneurs seulement bien contents d'avoir renouvelé leur contrat pour cinq ans avec Dupuis, s'assurant ainsi un salaire fixe pour quelque temps durant lequel ils n'auront qu'à donner le change ?
En ce cas, qui sait, par accident, ils feront peut-être un jour quelque chose de vraiment valable.