La Jeune Fille aux camélias par amandecherie
Midori est une jeune orpheline qui trouve refuge dans une troupe de cirque ambulant. La momie, la femme-serpent, le géant, l'hermaphrodite lui font subir des bizutages des plus cruels. S'ajoute l'humiliation de devoir prendre soin des corps atrophiés de l'homme-ver ou de l'être poétiquement renommé le bretzel humain. Jusqu'à l'arrivée providentielle d'un nain coiffé à la M qui, grâce à son époustouflant tour consistant à rentrer dans une bouteille par le goulot, redresse la situation financière du cirque et rétablit également l'ordre en devenant le protecteur et même le mari de Midori.
Le récit passe alors d'un pathos exacerbé à un tourbillon fantasmagorique qui brouille rêve et réalité.
Suehiro Maruo, figure underground japonaise nous entraîne dans une œuvre burlesque inspirée entre autres de l'expressionnisme allemand des années 30 et des mizun-e (images d'atrocités). La magnifique couverture rappelle aussi les images rétro asiatiques.
Tout le manga repose sur l'opposition entre la beauté et l'innocence de la jeune fille et la laideur des êtres déformés dont l'âme est tout aussi torturée que leurs formes et qui s'emploient à pervertir l'enfance. Un contraste aussi net pourrait être ironique. Le gegika peut en outre se voir comme une véritable histoire d'amour.
Le découpage n'est pas régulier, Maruo s'échinant plutôt à dessiner de véritables tableaux pleine page qui nous délecte d'images morbides afin de satisfaire notre voyeurisme, puisque tout comme dans le film Freaks de Browning, ce thème est présent. Il crée également l'illustration de la pratique sexuelle déviante qui consiste à lécher le globe oculaire de sa partenaire, image récurrente de son œuvre, inspirée du Chien andalou de Bunuel, et qui lui a valu un chapitre dans L'Imaginaire érotique au Japon, ouvrage d'Agnès Giard.
La jeune fille aux camélias (rien à voir de près ou de loin avec Alexandre Dumas) a un tel impact qu'il a été adapté en anime, format moyen-métrage par Hiroshi Harada sous le titre Midori. Le film a été interdit au Japon en 1992.