Avec La Rose et le Glaive (1991), Albert Uderzo tente d’ajouter une touche féminine à l’univers d’Astérix, mais le résultat oscille entre la bonne intention maladroite et la potion magique un peu éventée. Cet album, bien que sympathique par moments, peine à retrouver la formule qui faisait des aventures d’Astérix un classique indémodable.
L’intrigue démarre avec l’arrivée de Maestria, une barde qui remplace Assurancetourix (dont le silence forcé fait toujours partie des meilleures blagues). Charismatique et résolument féministe, Maestria déclenche une révolution dans le village : les femmes se rebellent contre les hommes, les chênes gaulois vacillent, et Obélix se demande s’il ne préfère pas le sanglier au débat d’idées. Le tout est évidemment traité sur un ton léger et caricatural, mais là où la série brille d’habitude par sa satire intelligente, cet album s’égare un peu dans les clichés.
Les personnages féminins, bien que plus présents que dans les tomes précédents, ne gagnent pas pour autant en profondeur. Maestria est un mélange de charme et de préjugés ambulants, tandis que les femmes du village oscillent entre caricatures d’épouses et figures unidimensionnelles de la révolte. Les hommes, eux, sont réduits à des stéréotypes d’indolence, ce qui pourrait être drôle si ce n’était pas aussi répétitif.
Graphiquement, Uderzo reste fidèle à lui-même : les cases sont dynamiques, les expressions des personnages toujours aussi savoureuses, et l’action est fluide. Mais même les dessins semblent moins inspirés, comme si le vent gaulois manquait un peu de souffle. Les scènes d’affrontements, d’habitude si épiques, sont ici reléguées au second plan, et l’humour visuel peine à rattraper les dialogues souvent convenus.
Le vrai problème de La Rose et le Glaive réside dans son ton : l’humour satirique qui faisait la force de la série semble ici forcé, voire maladroit. Les gags sur le féminisme, bien qu’ancrés dans leur époque, manquent de finesse et donnent l’impression que le village gaulois lutte davantage contre la modernité que contre les Romains. Certes, on sourit par moments, mais les éclats de rire sont aussi rares que les poissons dans une potion sans poisson frais.
En résumé, La Rose et le Glaive est une tentative intéressante de rafraîchir l’univers d’Astérix en explorant des thématiques nouvelles, mais le mélange ne prend pas tout à fait. Les fans apprécieront de retrouver le village et ses figures emblématiques, mais cet album manque de la magie et de l’humour mordant des classiques de la série. Une rose qui pique un peu plus qu’elle ne parfume.