Il y a quelque temps de cela, ayant fraichement reçu mon coffret L’incal de Moebius, et suite à un soigneux déballage, un prospectus des Humanoïdes Associés glissa subrepticement entre mes doigts. Comme à mon habitude, avec curiosité, je le parcours des yeux afin de dénicher, qui sait, d’autres intégrales qui sans doute pourraient satisfaire mon plaisir de bédéiste… Là, le titre Bibendum Céleste me laisse pantois ; qu’est-ce donc qui se cache derrière une telle nomination inscrite en lettre rouge sur une couverture d’où flotte un phoque angélique… ni une ni deux, je tapote de mon clavier sur Google-Image pour apercevoir le style graphique de l’oeuvre (oui ! c’est souvent le premier réflexe que j’ai, découvrir l’esthétique d’une BD, puis approfondir…). Et j’avoue que ma fibre iconographique fit un bond : ”Magnifique !”… Donc, j’approfondis. Hop, tapotement sur Sens-Critique, Google-Search, etc. Et, il faut l’admettre, l’oeuvre, certes réputée, est assez méconnue… Fort heureusement, je dégote suffisamment de raison pour me décider à faire chauffer ma carte de crédit, une fois encore…
Les jours passent et l’heure de la livraison approche petit à petit, jusqu’au fameux ”Driiiiinng”… Ne pouvant insérer le volumineux colis outrageusement emballé dans ma modeste boite aux lettres, mon facteur bigophona afin que je descendisse le récupérer de main à main dans le hall de ma résidence (mon facteur semble ne pas aimer monter le seul étage de mon tout petit collectif !)… Ainsi le coffret entre mes petits doigts, je me fis le devoir de le feuilleter afin d’amorcer mes glandes salivaires jusqu’au moment propice de la délectation…
Je me retrouve alors embarqué dans un univers peinturluré de flamboyante couleur rehaussé de fusains et pastels, introduit par une tronche aristocratique trônant fièrement, tel un bibelot ornemental, sur une commode au fin fond d’une pièce bien trop chargée en quincailleries poussiéreuses… Ce narrateur, Mr Lombax, à la caboche solitaire, essaie laborieusement de me conter l’histoire de Diego, un curieux phoque fraichement immigré dans le port de New-York-Sur-Loire, une cité à l’intérieur de laquelle batifolent divers personnages protéiformes d’animaux humanisés et d’humains bestialisés parmi des décors architecturaux sublimes et hallucinants qui ne sont pas sans me rappeler notre propre civilisation et son histoire… Très rapidement, ce petit Bibendum insipide et béatement silencieux va se faire alpaguer par le système politico-propagandiste religieux régissant la municipalité et dès lors se laissera naïvement balloter d’un bord et de l’autre comme une vulgaire marionnette électorale… Il est le parfait petit (anti-)héros de ce monde totalement farfelu et envoûtant, révélateur de nos propres déficiences et imperfections… Telle une gourmandise acidulée où un savoureux picotement me titille à chaque nouvelle page feuilletée, je me délecte de ce conte satirique empreint d’une certaine poésie irrévérencieuse… Les 3 volumes y passent, révélateurs de tromperie, cruauté et manipulation, apanages de l’évolution scabreuse d’un homo sapiens cherchant encore et toujours à éclore définitivement le bourgeon de son être…
Petite pépite évangélique de Nicolas De Crésy qui m’a fait sourire autant qu’elle m’affligea… Quant au dernier volume, mon préféré, il est un coup foudroyant envers l’égoïsme destructeur et la mythomanie prétentieuse de ce primate humanisé… Ai-je dit l'Homme ?!