La première bouchée de vapeurs
Le Gourmet Solitaire présente sous la forme de courts chapitres (j'ai envie de dire nouvelles), les pérégrinations culinaires dans le Japon de tous les jours d'un représentant de commerce dont on sait bien peu de l'état civil, mais au fil du livre, beaucoup des goûts alimentaires et de l'état d'esprit.
Chaque chapitre organisé autour d'un met particulier et de la manière de le consommer a une trame assez stéréotypée : le Gourmet a faim, il réfléchit plus ou moins longtemps à ce que sa situation devrait l'inciter à manger, achète/commande, analyse sa nourriture avant, pendant et après la dégustation et achève souvent ses réflexions au sortir du restaurant sur une pensée plus générale ou philosophique.
Tant sur le fond que sur la forme, on ne peut s'empêcher de faire un parallèle avec la célèbre Première gorgée de bière de notre Philippe Delerm national, que tout le monde a pris plaisir à découvrir puis à dénigrer (comme il se doit d'un livre écrit simplement autour d'une idée simple et qui plait au plus grand nombre). Et effectivement, les premières nouvelles offrent les mêmes impressions de plaisir et de banalité mêlées. Pourtant, soit que le dessin permette de plus montrer et évoquer et de moins décrire, soit que Taniguchi (et Kusumi, le co-scénariste) soient réellement plus talentueux que Delerm (soit les deux), les impressions positives vont croissant au fil des pages, trouvant de plus des résonances inattendues dans les champs historiques, touristiques et surtout sociaux (le néophyte que je suis a beaucoup appris et compris en lisant les notes de bas de page qui abondent dans le livre) tant et si bien que j'ai achevé le livre de manière surréaliste attablé en solitaire dans un buffet à volonté sino-vietnamo-nippo-corréen !