Alors que notre blondinet prend le train pour rendre visite au capitaine Haddock à Moulinsart, un oracle à la pipe vient lui prédire mort et malédiction à tous ceux qui oseraient profaner la sépulture d'Incas à la recherche de célébrité et de richesse. Se moquant pas mal des augures de ce moustachu, Tintin file retrouver son ami nouveau-riche qui s'est mis au cheval, au(x) monocle(s) et à la prestidigitation. Le soir même au music hall, un hypnotiseur fait annoncer à une femme que le mari d'une spectatrice vient de tomber gravement malade à la suite... d'une fouille archéologique à la recherche d'un ancien Incas ! Ni une ni deux, l'homme à la mèche enquête.
Cette fois-ci ce n'est plus les Dupont et Dupond qui amène les catastrophes en cascade, ni même le hasard comme se fût souvent le cas, mais bien Archibald Haddock, ancien loup de mer reconvertit en dandy reclus dans son manoir et meilleur ami du reporter. Contrairement au diptyque précédent (le secret de la licorne / le trésor de rackham le rouge), l'ennemi est présent bien qu'immatériel. C'est ce qui rend toute la première partie de cet album angoissant, les attaques surprises ne cessent de se produire mais personne à l'horizon, juste quelques débris de cristal... Sur fond de légende Maya, toutes les peurs refont surface et viennent briser les rêves de nos compères. Inutiles face à un ennemi invisible, ils ne peuvent que se résigner et constater la folie qui les gagne. Mais il y a un évènement qui va changer la donne : l'enlèvement de Tournesol.
Alors qu'il était presque absent de la première partie (seul son lien avec Bergamotte motive son apparition), Tryphon Tournesol, fantôme errant dans Moulinsart, va disparaître tout à fait. Et pourtant, même en étant un brin casse burne, il manque à ses congénères. Surtout au capitaine, lui qui ne cessait de fustiger le moindre de ses gestes y va de sa petite larme. Fini l’apitoiement, la deuxième partie de l'album commence bien plus terre à terre et l'ennemi commence à avoir un visage. Haddock troque son veston contre son fameux pull bleu marine et prend un avion direction le temple du soleil.
Ayant fait l'objet d'une publication chaotique à la suite des évènements historiques qui touchèrent la Belgique (libération et mise en examen des collaborateurs), Les sept boules de cristal est beaucoup plus noir, à l'image de Rascar Capac. Le feu-qui-descend-du-ciel comme le verdict de la justice qui fond sur Hergé, vient parsemer de vieux démons son histoire fantastique. Tournesol et ses huiles (haha), éminents savants, sont paralysés face à cette menace comme autant de gens éclairés sont bouleversés par les terribles actes du troisième Reich et ne savent comment juger ceux qui y ont participer. L'humour est presque absent ou forcé et comme la chute des décors sur Haddock, les coulisses de l'horreur sont sous les projecteurs.
A ça vient contrebalancer la décision du tribunal d’acquitter Mr Rémi et la suite de la publication s'en ressent. Haddock reprend du poil de la bête et de la bouteille, Tintin retrouve son flair légendaire et Milou cesse de poursuivre les chats. L'ennemi se dessine et ils ont une nouvelle destination comme autant de promesses de renouveau.
Diatribe face aux pilleurs de tombes, Les sept boules de cristal peut aussi être vu comme une fable mettant en garde ceux qui déterrent d'anciens démons comme un appel à la réflexion sur les conditions de la collaboration. Mais comme Haddock qui n'arrive pas à monter à cheval, à porter correctement ses monocles ou rate son tour de magie, Hergé se fond mal dans le décor...
En avant pour le temple du soleil !