Passé Décomposé est le tome inaugural d’une excellente série de comics autour des rares survivants d’une épidémie de zombies. Le top du divertissement pour certains lecteurs, dont je fais partie : il y a toujours
quelque chose de fascinant dans l’incarnation contagieuse et putréfiée de la mort.
Et le genre, pour codé qu’il soit, n'est pas clos, et permet de belles libertés qu’explorent avec plaisir et virtuosité Robert Kirkman (scénariste) et Tony Moore (dessinateur).
Une longue introduction nous présente Rick, perdu dans un monde méconnaissable après avoir pris une balle lors d’une intervention routière – première planche, dense et précise – et s’être réveillé dans un hôpital vide à l’exception de quelques effrayants zombies. C’est un flic honnête, doublé d’un homme bon, plein d’humanité et de compassion, capable toujours d’attention envers son prochain.
Le premier tome de la série prend forme ensuite.
Derrière le décorum des morts-vivants, c’est
un long western
qui renvoie d’abord Rick dans un monde post-apocalyptique : suite à une panne d’essence, il se trouve un cheval et l’abandonne en ville en sauvant sa peau. Il s’en sort grâce à l’intervention de Glen qui le conduit alors au campement qu’il partage avec un groupe : une grosse facilité de scénario pour rassembler Rick et les siens. Mais l’occasion également de dessiner le drame qui s’annonce en duel : l’enjeu de Shane est sublimé en deux cases, dont un gros plan au regard profond, qui dit toute la déception et toute la jalousie, tout l’obscur du personnage.
La narration contrarie certains enjeux pour en clarifier d’autres, les tensions du trio principal se déclinent en non-dits, visibles aux traits minutieux des portraits vivants. Le noir et blanc contrasté et son absence de nuances accentuent l’ambiance lourde qui plane jusqu’à cette belle double page qui place côte à côte Lori, signifiant à Shane l’inexistence de leur relation, et un corbeau, dévorant un cadavre avant de s’envoler au son des coups de feu. L’apposition, intelligente, interpelle, et tout l’univers de désolation d’un ouest menaçant de multiples dangers résonne là.
Le western raconte l’apprentissage de nouvelles règles imposées par un monde nouveau. Le héros souffre et laisse des plumes dans les épreuves. Il souffre les affres de l’adaptation. Tout cela est présent dans l’atmosphère de cette entrée en matière singulière dans l’univers haletant de Walking Dead. L’excellente dernière séquence voit alors Carl, sept ans, régler d’un coup de feu l’engueulade entre Rick, son père, et Shane. Tuant ce dernier sur le coup, il comprend combien prendre la vie d’un homme conscient n’a rien de commun avec ce qu’il fait pour se défendre contre les rodeurs.
Une très belle dernière planche de solitude et de désespoir.
Dans un monde de ténèbres, l’avenir incertain projette les hommes, tous, même les plus jeunes, vers leur destin.
Les héros ne sont pas toujours ceux qu’on croit.